Celui qui s’assied au fond d’un puits pour contempler le ciel le trouvera tout petit. (Anonyme)
Nous sommes parfois champions dans l’art de nous rendre malheureux. Mais rassurez-vous, il est possible d’améliorer la situation.
Chaque fois que nous remettons en question les conclusions erronées de nos pensées tordues (distorsions cognitives), nous nous donnons la chance d’augmenter notre bonheur au quotidien.
Il ne viendrait à personne l’idée de manger une nourriture douteuse dont il ne connaîtrait ni la provenance ni les ingrédients. Euh… je reformule.
Il ne viendrait pas à l’idée de tout le monde de manger une nourriture douteuse dont on ne connaîtrait ni la provenance ni les ingrédients (je connais bien plusieurs personnes qui raffolent du fast food). Pour les autres, nous tenons trop à notre santé pour cela.
Pourtant, chaque jour, nous faisons confiance à des quantités incroyables d’informations sans nous préoccuper de leur source ni de leur validité.
Ces informations forment nos croyances, nos valeurs et fondent même nos actions. Elles nourrissent l’estime de soi et la confiance: leur importance est donc ÉNORME !
Nous sommes parfois champions dans l’art de nous rendre malheureux.
Mais rassurez-vous, il est possible d’améliorer la situation.
De l’information à la distorsion cognitive
Chaque jour, à travers nos activités, nous devons comprendre la réalité qui nous entoure. Nos processus psychologiques sont à l’oeuvre dans l’ensemble de nos expériences: émotion, compréhension, évaluation, prise de décisions, etc.
À travers notre interprétation, nous gérons le sens de tout ce qui nous entoure et c’est à partir des ces processus mentaux que nous concevons l’ensemble de notre vie.
Malheureusement, ces processus sont limités et de nombreuses erreurs interfèrent naturellement sans que nous nous en rendions compte.
On appelle ces limites des distorsions cognitives.
Comme leur nom l’indique, les distorsions cognitives sont des déformations de la pensée.
Elles nous conduisent à des conclusions insuffisantes ou carrément fausses qui nous rendent malheureux.
Par exemple, si vous croyez les gens incapables de vous apprécier, vous concluez négativement à votre sujet.
Pourtant, la plupart du temps, vous n’avez aucune preuve de ce que les autres pensent de vous. Voilà un type de distorsion qui peut occasionner d’innombrables souffrances.
Il est donc crucial de comprendre l’influence de ces distorsions cognitives sur notre quotidien. En voici quelques-unes:
La généralisation
Cette distorsion cognitive est extrêmement courante.
La généralisation consiste à exagérer des informations limitées en croyant qu’elles se manifestent toujours de la même manière.
S’il est vrai que le soleil le lèvera inlassablement sur l’horizon, il n’est pas très constructif de croire que les autres nous rejetteront toujours (même si certaines personnes l’ont déjà fait).
La sélection des informations
Cette distorsion consiste à choisir certaines informations plutôt que d’autres lorsque nous interprétons une situation. Et parce que les informations que nous sélectionnons restent limitées, elles ne fournissent pas une vision globale de la situation.
Au niveau personnel, cette distorsion est nuisible lorsque nous nous concentrons sur de petits détails futiles à notre sujet.
Prenons l’exemple de Sven, qui redoute la peur qui lui fait prendre une très belle couleur rose.
Pour cette raison, il se concentre sur le moindre signe corporel qui trahit un tel état. Son cœur bat plus vite, sa trompe devient moite ?
Et voilà, ce sont ses appréhensions occasionnent sa peur. Plus il veut éviter la peur, et plus il a peur. Il a peur d’avoir peur…
Le fait de nous concentrer sur des informations positives peut aussi nous rendre malheureux. C’est le cas de l’idéalisation.
Lorsque nous sélectionnons les informations qui sont associées à des idéaux ou à des espoirs irréalistes, nous les utilisons pour dévaluer notre quotidien qui, lui, est bien réel.
Les effets négatifs sont nombreux: envie, aigreur, rancœur, jalousie et insatisfaction. La gazon n’est-il pas toujours plus vert sur le terrain du voisin ?
D’autres encore se concentrent systématiquement sur les informations négatives qui proviennent autant des événements présents que passés. Quel meilleur moyen d’être malheureux que de voir seulement ce qui nous fait défaut ?
Cette forme de fatalisme nous fait croire que nous sommes condamnés au pire tandis que le ressentiment déterre soigneusement nos souvenirs les plus désagréables.
Confirmer seulement nos hypothèses
Très souvent, lorsque nous essayons d’expliquer quelque chose, nous avons déjà une petite idée de la réponse ou du moins quelques pistes pour trouver cette explication.
D’un côté, nos hypothèses dirigent notre recherche d’informations et, de l’autre, nous essayons de confirmer nos hypothèses. Cette manière de raisonner ne nous fournit pas toujours des conclusions valides.
Par exemple, si mon hypothèse consiste à croire que j’échouerai dans tous mes projets, je chercherai des souvenirs qui prouvent que je suis un incapable et j’anticiperai sans cesse de nouvelles difficultés.
À la place, je peux me souvenir de mes succès qui me prouvent tout le contraire !
La prédiction qui se réalise d’elle-même (ou prophétie autoréalisatrice ou self fulfilling prophecy en anglais, qui est très étudiée en psychologie)
La prédiction qui se réalise d’elle-même est une croyance qui finit par se réaliser parce que le simple fait d’y croire modifie subtilement et inconsciemment nos comportements et favorise sa réalisation.
Par exemple, le prince était convaincu qu’il ne réussira jamais à gagner une joute lors du célèbre tournoi annuel qui a lieu à son château.
À cause de cette conviction, il doute de lui et augmente son stress. Et bien qu’il soit devenu une fine lame avec les années, lors du tournoi, son anxiété est telle qu’il échappe son épée ou sa lance… et il perd.
Plus tard, lorsqu’il repense à son échec, il se dit qu’il savait bien que les choses se dérouleraient ainsi.
Mais est-ce bien le cas ?
L’échec du prince n’aurait-il pas plutôt été influencé par sa conviction profonde en son inaptitude ?
Les stéréotypes et les préjugés
Les stéréotypes sont des informations que nous avons en mémoire et qui nous permettent de reconnaître rapidement des gens et des situations.
Si la plupart du temps les stéréotypes sont utiles et nous aident à bien réagir aux événements, ils ne sont pas toujours valides.
Véritables simplifications de la réalité, ils généralisent des informations beaucoup plus complexes.
C’est à ce moment que les stéréotypes deviennent des préjugés.
Par exemple, un préjugé consisterait à croire que les Mexicains sont tous paresseux parce que nous leur associerions le stéréotype de la sieste sous un immense sombrero.
Cela ne décrit pourtant pas leur situation réelle ! Puisque les préjugés proviennent d’informations insuffisantes, ils risquent de nourrir de fausses croyances qui peuvent mener jusqu’au racisme.
Il va sans dire que les distorsions cognitives engendrent de nombreuses conséquences négatives. Mais pouvons-nous faire quelque chose pour améliorer la situation ?
Comment nous débarrasser des distorsions cognitives
Il existe heureusement un excellent moyen d’apprivoiser les limites de notre cerveau. Il s’agit de remettre en question ces conclusions erronées en nous détachant de nos propres pensées pour corriger leur issue négative.
Voici les deux étapes principales à suivre pour nous aider à utiliser ce fantastique outil qu’est notre cerveau.
1. L’identification des distorsions cognitives
Cette étape nous fait prendre conscience des moments où nous sommes victime de distorsions cognitives et nous aide à savoir desquelles il s’agit. Voici quelques indices qui vous permettront de savoir que quelque chose se trame:
- Vous vous sentez souvent tristes et subissez des émotions négatives sans réussir à en identifier clairement la source.
- Vous réagissez fortement aux situations qui vous concernent.
- Vous avez tendance à vous déprécier et à croire que les autres ont plus de valeur que vous (dévalorisation).
- Le contenu de vos pensées est négatif et verse facilement dans l’excès selon les sujets ou les événements; vous ruminez ces pensées, évoquez des événements que vous avez de la difficulté à accepter, etc.
- Vous entretenez du ressentiment envers les autres et envers la vie (envie, idéalisation).
- Vous vous croyez victimes des événements et avez l’impression de ne rien pouvoir faire; vous croyez n’avoir eu aucune chance dans la vie, persuadés que les autres en ont plus que vous (victimisation).
Ces pistes vous permettent de savoir que des distorsions cognitives s’acharnent contre vous.
Et pour initier des changements positifs, vous devez absolument faire l’effort de ne pas vous mentir à vous-même.
Il ne faut pas oublier qu’il est toujours plus facile d’identifier les problèmes des autres que les nôtres !
Alors si votre but est de corriger les distorsions cognitives, au lieu de vous demander pourquoi un problème survient, il est plus utile de savoir comment il s’exprime.
Le fait de vous concentrer sur les « symptômes » vous permettra de savoir qu’il y a un problème, et que vous pouvez faire quelque chose.
L’identification est une démarche qui nous oblige à nous intéresser à nous-mêmes pour analyser nos pensées, nos réactions et comprendre ce qui ne va pas.
C’est le premier pas à franchir pour arriver à éliminer ce qui nous rend malheureux.
2. La recherche d’informations et la correction des distorsions cognitives
Il n’est pas suffisant d’identifier les distorsions cognitives; il reste encore à y remédier !
Cette seconde étape nous invite à remettre en question nos interprétations ainsi que nos conclusions fallacieuses.
Déconstruire le contenu négatif des problèmes identifiés à la première étape: il s’agit d’abord de récupérer les éléments que nous avons identifiés comme étant à la source de nos malheurs, nous permettant ainsi de voir la façon dont nos distorsions agissent et ainsi de mettre consciemment un terme à leurs conséquences désastreuses.
Cette remise en question souligne l’insuffisance de nos conclusions et leur jette un nouvel éclairage qui nous montre à quel point elles nous détruisent.
Rechercher des informations susceptibles d’enrichir et de corriger nos conclusions: Nous devons ensuite trouver de nouveaux éléments d’explication pour corriger les conclusions issues de nos distorsions. En posant un nouveau regard, nous sommes en mesure d’obtenir des conclusions plus nuancées et plus valides. Il s’agit simplement de trouver d’autres manières d’interpréter nos pensées, nos souvenirs négatifs et les situations que nous vivons.
Voici quelques questions pour vous aider à y arriver:
Interroger les informations à partir desquelles vous raisonnez: Est-ce que je dispose d’une quantité d’informations suffisante pour me permettre de conclure ? Par exemple, ce n’est pas parce que je n’ai pas réussi à atteindre mon objectif une fois que j’échouerai à chaque fois.
Interrogez vos conclusions: Mes conclusions sont-elles valides ? Est-ce qu’elles m’apportent plus d’avantages que d’inconvénients ? Sont-elles réalistes ? Par exemple, est-ce bien constructif de conclure que les personnes qui tomberont sur ces pages de mon blogue à l’avenir ne le trouveront pas intéressant ? Si je croyais que oui, je ne serais pas très motivé à continuer à écrire…
Interroger les croyances qui vous rendent malheureux: Les informations dont je dispose me permettent-elles réellement d’aboutir à ma seule conclusion ? Existe-t-il d’autres possibilités ? Par exemple, votre collègue de travail vous a peut-être ignoré(e) parce qu’elle était préoccupée par un problème personnel et non parce qu’elle vous trouve insignifiant(e) !
Vivre heureux avec des croyances plus valides
Chaque fois que nous remettons en question les conclusions erronées de nos distorsions cognitives, nous nous donnons la chance d’améliorer notre bien-être quotidien.
Même si ces distorsions découlent du fonctionnement normal de notre cerveau, ce n’est pas une raison pour les laisser empoisonner notre existence !
Et si le bonheur ne tombe pas du ciel, nous possédons tous la capacité de nous distancier de ces pensées qui détruisent notre qualité de vie.
Nous pouvons consacrer quelques efforts à redresser notre posture mentale pour vivre quatre saisons dans ce bonheur que nous méritons tous ! C’est le thème de mon livre Le petit traité antidéprime.
Quelques conséquences des distorsions cognitives
En terminant, voici quelques indices qui vous aideront à savoir si des distorsions réalisent leur oeuvre funeste en vous:
- L’autodénigrement: Ce sont des évaluations sévères et inflexibles à notre égard qui donnent l’impression de ne pas avoir de valeur personnelle.
- La culpabilité: Attribution à tort de la responsabilité d’événements négatifs, que nous y soyons liés ou non.
- La victimisation: Croyance que les autres agissent souvent contre nous-mêmes et que nous n’avons aucun contrôle sur notre vie.
- La susceptibilité: Sentiment que nous ne possédons aucune valeur. Se manifestant lorsque nous doutons de nous-mêmes, la susceptibilité entrave notre tolérance, nuit à notre capacité d’analyser notre comportement et d’accepter de se tromper.
- Le manque de motivation: Convaincus de notre incapacité à accomplir quoi que ce soit, nous remettons tout au lendemain, ne mobilisant ni l’énergie, ni la détermination nécessaires pour accomplir nos objectifs.
- Le ressentiment et la rancune: Action de ressasser les événements éprouvants du passé de manière à les revivre, suscitant un flot d’émotions intenses comme la tristesse et l’agressivité.
Un excellent livre dont je vous recommande la lecture
- Jeffrey E. Young et Janet S. Klosko, Je réinvente ma vie: Vous valez mieux que vous ne pensez.
Mais mon site vous offre aussi un contenu très riche pour vous aider à comprendre les distorsions cognitives et à contrer leurs effets destructeurs. Voici quelques articles pour aller plus loin:
- L’origine des distorsions cognitives sources de malheur et de déprime
- Comment les distorsions cognitives détruisent notre estime de soi?
- Identifiez les distorsions cognitives pour éviter leurs ravages
- Les trois étapes pour utiliser le recadrage contre les distorsions cognitives
- Liste résumée de toutes les distorsions cognitives: pour que vous ayez tout à portée de main!
Connaissiez-vous les distorsions cognitives?
Avez-vous des exemples de pensées tordues qui vous rendent malheureux?
Comment faites-vous pour vous en libérer?
Nous avons hâte de vous lire dans les commentaires!
Esther Beland a écrit
Ce qui est écrit plus haut m’interpelle beaucoup en ce moment. Je suis à la recherche de mon moi intérieur.
Nicolas Sarrasin a écrit
Merci beaucoup de votre commentaire Esther. Je crois que vous êtes au bon endroit pour continuer votre recherche, car je suis en train de publier mon livre le Petit traité antidéprime qui porte beaucoup sur le même sujet que cet article, et tout de suite après, tout le contenu de mon best-seller Qui suis-je ? sera aussi accessible gratuitement sur ce site à raison d’un chapitre par semaine dès le mois de décembre 2015. N’hésitez donc pas à revenir !
Pralinette a écrit
Atteinte de dysmorphophobie aigüe depuis… plus de 15 ans, après des dizaines de thérapies et des milliers d’euros dépensés, de médicaments avalés, de tentatives de suicide innombrables… Je vois à travers cet article que mon état est juste le résultat d’une enfance abusive, de parents aux pensées erronées, sadiques, paranoïaques, malveillantes, que j’ai peu à peu intégrées.
Merci pour cet éclairage précis, clair, parlant, révélateur pour ma part. Le travail vers la connaissance de son vrai soi, déparasité par ces pensées obscènes et obsédantes est encore à faire du haut de mes 30 ans, mais je ne perds pas espoir.
Nicolas Sarrasin a écrit
Bonjour,
Je vous remercie de votre commentaire et je suis désolé pour ce que vous vivez. Si les psychothérapies que vous avez suivies n’étaient pas d’orientation cognitive-comportementale, vous pourriez bénéficier de l’aide d’un(e) psychologue de cette approche car elle est très appropriée pour le traitement des phobies et elle aide également à combattre les distorsions cognitives qui nous font souffrir.
Je suis très heureux que mon article ait pu vous être utile et je vous souhaite le meilleur.
Garby a écrit
C’est vraiment positif que voir écrites toutes ces vérités afin qu’elles soient bien précises dans mon esprit de façon à me permettre de rectifier chaque jour un petit peu quelque chose en m’appuyant sur ces bases.
Nicolas Sarrasin a écrit
Merci beaucoup ! 🙂
Patricia a écrit
Merci, pour cet article. Il met en lumière mon fonctionnement inconscient que j’ai créé bien à mon encontre suite à une enfance détruite. Vous me redonnez de l’espoir.
Nicolas Sarrasin a écrit
Je suis désolé de ce que vous avez vécu Patricia mais je suis heureux que mon article ait pu vous être utile. Mon site regorge d’autres contenus sur des thèmes similaires dont je vous invite à profiter également.
Je vous souhaite le meilleur.
Christophe a écrit
Bonjour.
Je suis tombé sur votre blog en cherchant quelques réponses à certaines de mes questions sur mes actions et réactions par rapport aux autres.
Je souffre de diverses phobies que je croyais dues en totalité à mes parents (père militaire) mais en fait elles sont surtout dues à moi-même et à mon besoin de tout contrôler.
Votre blog m’éclaire beaucoup et depuis que j’ai commencé à vous lire, je comprends mieux ce qui ne va pas en moi et petit à petit je vois des portes s’ouvrir.
Merci beaucoup.
Nicolas Sarrasin a écrit
Bonjour Christophe,
Je vous remercie de votre commentaire et je suis heureux que le contenu de mon site vous soit utile. Un besoin de contrôle élevé de même que les phobies sont deux conséquences d’un niveau d’anxiété élevé. Je vous invite donc à lire en particulier sur ce sujet: https://www.nicolassarrasin.com/sujet/anxiete
Je vous souhaite le meilleur.
Taufla a écrit
Bonjour,
Très intéressant ce sujet. Mais comment aider quelqu’un atteint de distorsions cognitives et qui n’en est pas conscient ? Voire même qui prétend que c’est faux.
Nicolas Sarrasin a écrit
Bonjour,
Puisque la possibilité d’aller mieux psychologiquement, notamment quand on fait des distorsions cognitives, implique une ouverture à changer ses croyances et ses interprétations, il n’est pas possible d’aider une personne qui ne n’a pas d’ouverture et qui ne veut pas s’aider elle-même.
Au mieux, nous disposons d’un pouvoir d’influence (positive) limité, mais expliquer tout cela dépasse de loin l’espace des commentaires. Le mieux pour cette personne est de consulter un(e) psychologue TCC.