Il y a deux choses infinies au monde: l’univers et la bêtise humaine… mais pour l’univers, je n’en suis pas très sûr. (Albert Einstein)
Dans mon article précédent, je vous ai proposé une introduction assez complète des distorsions cognitives et vous connaissez mieux leur exécrable visage.
Chacun d’entre nous les vit plus ou moins intensément.
Mais nous ne sommes pas condamnés pour autant: nous sommes parfaitement capables de les dépasser afin d’atteindre un état plus harmonieux, plus heureux.
Pour combattre avec succès les distorsions cognitives, vous pouvez maintenant vous entraîner à leur identifier !
Cet article vous présente plusieurs de ces distorsions.
Les articles suivants vous en présenteront d’autres, telles que la sélection d’informations.
Dès à présent, si vous éprouvez des problèmes dans votre vie, allant des conflits avec les autres à la dépression, je ne saurais trop vous suggérer de débuter votre introspection, pour commencer à identifier les problèmes qui vous touchent.
Ainsi, au fur et à mesure que vous avancerez dans votre lecture, vous disposerez de nouveaux outils et vous saurez mieux à quels problèmes vous attaquer efficacement.
Les descriptions qui suivent constituent une base à partir de laquelle vous développerez les compétences nécessaires pour désamorcer les distorsions cognitives.
Étant donné que mon principal objectif est de vous faire comprendre la manière dont ces distorsions surviennent quotidiennement, je vous les présente selon une classification qui vous aidera à les retenir facilement, pour mieux les enrayer !
Prêts ?
La généralisation: la reine des distorsions cognitives…
Chaque jour, nous apprenons.
Puisque le monde dans lequel nous vivons est infiniment complexe, nous ne pouvons constamment vérifier si ce que nous avons appris est toujours vrai.
C’est à ce moment que nous généralisons: le feu brûle toujours, le soleil se lèvera chaque jour à l’horizon.
Mais que se passe-t-il lorsque ce à quoi nous faisons face est beaucoup plus complexe, comme les relations interpersonnelles par exemple ?
Le potentiel d’erreur augmente.
Or, la généralisation devient d’autant plus néfaste et facile à commettre qu’elle provient de notre façon naturelle de raisonner.
Et elle passe inaperçue la plupart du temps…
La généralisation devient une distorsion cognitive lorsque nous concluons trop vite ou que nous poussons trop loin une conclusion.
Elle se manifeste lorsque, constatant qu’un ou quelques cas particuliers ont une certaine ressemblance entre eux, nous en déduisons que tous les autres cas semblables sont identiques, se déroulent de la même façon ou mènent aux mêmes conséquences.
En 1941, Alfred Korzybski1 mentionnait déjà la tendance très forte chez l’être humain à généraliser les informations limitées dont il dispose.
Nous remarquons d’ailleurs à quel point nous sautons souvent de l’énoncé « Quelques personnes font parfois X » à l’affirmation « La majorité des gens font toujours X ».
Cette distorsion cognitive est due à une lacune dans deux des trois axes que j’ai décrits dans mon article précédent.
Premièrement, l’échantillon d’informations n’est pas suffisamment étendu pour que l’on soit en mesure de généraliser.
Deuxièmement, ces informations ne sont pas non plus assez représentatives pour nous permettre d’en tirer une conclusion générale.
Par exemple, si une personne vient de vivre une mauvaise expérience amoureuse et que ce genre de malchance lui est déjà arrivé plusieurs fois, elle croira davantage, à tort, que la prochaine expérience sera aussi désastreuse.
La généralisation la conduira à ce genre de conclusion: Tous les membres du sexe opposé sont immatures, ou encore: Nous savons bien que, vous, les hommes (ou les femmes), vous êtes toujours… (Complétez avec n’importe quelle critique ou ajoutez-en plusieurs.)
La généralisation nous enferme dans les deux issues extrêmes du tout ou du rien, qui nous privent de la richesse de la réflexion et de tous les niveaux intermédiaires de compréhension.
La généralisation nous nuit spécialement lorsqu’elle nous incite à exagérer quelques éléments négatifs.
Autre exemple.
Le fait d’être rejeté par quelqu’un risque de nous pousser à généraliser l’incident, c’est-à-dire à croire que d’autres personnes nous rejetteront aussi.
De la même manière, quelques échecs généralisés peuvent nous donner la fausse certitude de ne pouvoir réaliser rien de bon dans la vie…
Et comme si ce n’était pas assez, la généralisation peut aussi nous faire minimiser les aspects positifs de la vie.
Elle nous amène, par exemple, à banaliser nos réalisations ou à refuser de les apprécier à leur juste valeur en nous faisant croire que tout le monde aurait pu faire la même chose.
Nous ne devrions raisonnablement y penser à deux (ou même 128) fois avant de nous fier à des conclusions aussi excessives, mais c’est ce que nous faisons très souvent, sans même nous en apercevoir !
Comme nous l’avons vu avec le raisonnement inductif, généraliser des informations est normal pour notre cerveau et ça fonctionne habituellement bien.
C’est une simplification utile, un moyen de réduire la complexité de la vie pour diriger nos actions le mieux possible.
La généralisation ne permet toutefois pas d’obtenir des conclusions absolument vraies.
S’il est vrai que le feu brûle à tout coup, il n’en demeure pas moins qu’il y a autant de comportements et de valeurs différentes qu’il y a d’individus.
Il est donc simpliste (et souvent problématique) de conclure à partir de quelques expériences seulement.
La généralisation est aussi propre à l’être humain que le fait d’avoir un nez dans le visage.
Si vous voulez une preuve, faite le test suivant avec les personnes de votre entourage.
Demandez-leur: Si je lance une pièce de monnaie cinq fois de suite et qu’elle retombe chaque fois du côté pile, quel sera le résultat du sixième lancer ?
Vous pouvez en profiter pour faire ce petit test vous-mêmes !
Intuitivement, plusieurs personnes répondront que le sixième résultat sera encore pile ou, inversement, ils se diront que, puisque plusieurs pile sont sortis, le prochain sera face.
Pourtant, la bonne réponse est la suivante: sans égard aux résultats antérieurs, la pièce aura toujours une chance sur deux de tomber sur pile ou sur face à chaque nouveau lancer.
Cette tendance à fournir une mauvaise réponse n’est évidemment pas l’indice d’un manque d’intelligence; elle démontre surtout notre propension à raisonner par liaisons et par suites, autrement dit par généralisations.
Un autre aspect de ce phénomène est bien connu des études en psychologie.
Il se nomme l’erreur du parieur (gambler’s fallacy).
Par exemple, après avoir constaté que plusieurs résultats sont tombés sur les cases noires, à la roulette, le joueur croit à tort que les résultats tomberont bientôt sur les rouges.
Au lieu de voir le hasard s’exprimer à chaque coup, comme dans le cas de la chance sur deux avec la pièce de monnaie, ce dernier est perçu comme un processus qui se « corrige » de lui-même, qui rétablit l’équilibre entre les couleurs.
En fait, statistiquement, le « déséquilibre » se manifeste parce que le joueur n’observe qu’un bien maigre échantillon des résultats de la roulette.
Ce n’est qu’en faisant la moyenne d’un nombre très élevé de tentatives qu’il disposerait d’une distribution plus réaliste des résultats; il verrait alors que les rouges sortent à peu près aussi souvent que les noirs.
Ça s’appelle la loi des grands nombres en statistiques.
Mais ne vous en faites pas avec toutes les distorsions cognitives que je présenterai, pour vous aider à y voir plus clair, voici un article synthèse de toutes les distorsions cognitives qui vous aidera à les identifier plus facilement, à mieux comprendre leurs interrelations et surtout d’en réduire les conséquences néfastes.
Les analogies généralisées: une autre forme de distorsion de généralisation…
Il nous arrive parfois de généraliser une comparaison en étant convaincu d’exprimer notre état réel.
Par exemple, une personne anxieuse qui décrit son état avec excès (« Je me sens tellement anxieuse que j’ai peur de mourir ») finira par tenir cette image pour véridique.
Elle généralisera ainsi la comparaison entre son stress et sa peur d’une mort imminente et arrivera à y croire.
Je préfère ne pas imaginer les sommets d’anxiété qu’elle atteindra alors !
Vous voyez combien de nombreuses analogies peuvent être généralisées de la sorte ?
Pour vous aider à ne pas verser dans ce genre de distorsions, rappelez-vous qu’il ne faut pas:
- Confondre une émotion avec la réalité. Par exemple, croire que notre colère est la seule réaction possible à une situation.
- Confondre une impression avec la réalité. À travers nos émotions, nous concevons de nombreuses impressions au sujet des gens et des événements. Nous considérons souvent une impression vague comme un indice auquel nous pouvons nous fier sans crainte. Or, aucun sixième sens n’a encore été découvert et nos impressions ne correspondent pas toujours à la réalité…
- Confondre une croyance avec la réalité. Nous considérons souvent seulement notre point de vue pour raisonner, comme si nos croyances étaient absolument vraies et les seules qui soient plausibles… Nous oublions que chaque personne a aussi son point de vue qui ne correspond par nécessairement à notre interprétation de la réalité.
- Confondre une habitude avec la réalité. Nous développons souvent des habitudes pour réagir à certaines situations. Mais ce n’est pas parce que nous avons toujours fait de la même manière que seule cette méthode existe… En fait, les habitudes risquent surtout de nous priver de bien des possibilités. Comme dit avec humour Paul Watzlawick, si le seul outil connu est un marteau, tout problème sera considéré comme un clou !
- Confondre une faible probabilité avec une certitude. Nous généralisons parfois une simple possibilité, somme toute assez faible (mourir d’un accident de voiture, par exemple), et finissons par la confondre avec une certitude: « Je vais mourir d’un accident de voiture ! »2.
Alors comme vous le voyez, même si la généralisation nous est très utile au quotidien, elle peut aussi créer de nombreux problèmes.
Nous ne devons pas oublier qu’il s’agit d’une simplification et qu’elle implique un important potentiel d’erreur.
Pour éviter ces problèmes, il vous sera profitable de ne jamais croire que vos généralisations sont complètement vraies et de rester prudents lorsque vous basez vos croyances et vos comportements sur ce type de conclusions.
Les relations erronées entre les causes et les effets… (ou les fausses associations)
Nous avons une tendance naturelle à interpréter les événements en les regroupant par catégories ou par séquences et à croire à leurs relations entre eux même lorsque cette relation est purement illusoire.
Les erreurs de relations entre les causes et les effets sont donc nombreuses et variées…
Ce type de distorsion cognitive consiste à associer deux ou plusieurs phénomènes en tenant pour acquis que l’un est la cause et l’autre l’effet.
Notre capacité à établir des relations de cause à effet est tellement forte qu’il peut arriver de prêter des actions ou des intentions à des objets inanimés: « La maudite portière de la voiture a fait exprès pour se fermer sur mes doigts ! »
Mais nous sommes « biologiquement programmés » pour reconnaître les relations entre causes et effets.
Une expérience très connue illustre avec quelle force cette attention soutenue portée aux relations causales s’exerce même lorsqu’il n’existe aucune de ces relations.
Voici cette expérience qui va vous surprendre !
On projette deux petits cercles de lumière sur un écran.
Un cercle reste immobile au centre de l’écran tandis que l’autre quitte l’extrémité gauche pour s’arrêter au moment où il « touche » l’autre cercle.
À son tour, le cercle du centre est « projeté » à la même vitesse vers la droite de l’écran.
Les gens réagissent comme si les deux cercles de lumière se heurtaient vraiment, comme des boules de billard !
Je n’ai pas trouvé l’équivalent de cette expérience sur Youtube, mais cette vidéo vous montre le même principe: notre cerveau recrée l’effet de mouvement même si les cercles ne « roulent » pas ensemble (note: la publicité qui apparaît dans la vidéo ne m’apporte rien: elle vient du canal Youtube dont est tirée cette vidéo… désolé pour ça):
Cependant, comme pour les autres distorsions cognitives, nous n’avons souvent pas de raisons suffisantes pour justifier les relations de causes à effet que nous faisons.
Pire, cette distorsion est un moyen rapide auquel nous recourons souvent pour justifier des croyances ou des comportements fâcheux.
Nous avons vu comment, cédant à la généralisation, nous en arrivons à extrapoler une conclusion à partir de quelques informations seulement.
La fausse association, quant à elle, relève surtout de l’analogie, c’est-à-dire de notre capacité à transférer facilement nos connaissances à des situations nouvelles ou de nous servir d’explications déjà connues pour résoudre des problèmes.
Par exemple, un parent qui voit son enfant s’énerver et qui en a déjà conclu que l’enfant voulait attirer son attention s’en tiendra à cette explication et ne se préoccupera pas d’autres raisons possibles…
Cette manière d’expliquer devient problématique lorsque nous nous obstinons sans succès à appliquer nos anciennes connaissances à de nouveaux événements ou à de nouveaux problèmes.
Et notre vie est presque seulement composée de nouveauté !
Au lieu de remettre en cause notre façon de résoudre le problème ou d’essayer de comprendre autrement la situation, nous nous acharnons à transférer des connaissances inappropriées qui ne mènent pas au résultat escompté…
N’est-ce pas Einstein qui disait que la folie consistait à faire encore et toujours la même chose et à espérer des résultats différents ?
Nous devons alors nous demander si notre analogie est suffisante pour justifier notre conclusion.
Là peut-être réside la seule difficulté, car évaluer la relation entre deux choses que nous ne connaissons pas est ardu et même parfois impossible.
À cette occasion, deux choix s’offrent à nous:
- Soit nous nous satisfaisons de la source d’informations et de notre manière d’expliquer;
- Soit nous considérons que nos informations ne sont pas suffisantes et nous nous abstenons de tirer des conclusions.
Nous devons être très courageux pour faire le second choix et nous abstenir de conclure.
En effet, la tendance de l’être humain à expliquer tout ce qu’il ne comprend pas, même lorsque ses explications sont complètement fausses, rend angoissant ce choix qui nous plonge dans l’incertitude.
À travers l’évolution de notre espèce, le désir fondamental d’expliquer provient du processus adaptatif qui nous permet d’établir des liens entre les choses et les événements de manière à prévoir et éviter les situations périlleuses.
Pour établir cette relation, notre cerveau pose implicitement la question: « Qu’est-ce qui mène à quoi ? »
Lorsque nos ancêtres se sont fait « déguster » par les fauves pour la première fois, ils ont rapidement établi la relation de cause à effet entre les bêtes sauvages et le danger.
Dans cet environnement hasardeux, ne pas tirer ce genre de conclusion revenait à beaucoup augmenter ses chances de souffrir et de mourir…
Bien que cette aptitude soit encore utile de nos jours, elle n’est plus aussi souvent nécessaire et elle nous conduit parfois à des conclusions complètement fausses qui nous nuisent plus qu’elles ne nous aident.
Autrement dit, notre cerveau fonctionne encore avec un système d’exploitation 1.0, mais nous vivons dans un mode moderne très différent de celui qui l’a vu naître.
Et notre système, très souvent, n’est plus adapté…
Par exemple, après avoir subi un échec dans la réalisation d’un objectif, si nous nous demandons « Qu’est-ce qui mène à quoi ? » et que nous répondons que notre incapacité a mené tout droit à l’échec, nous nous déprécierons et nous nous rendrons malheureux.
Pourtant, nous pouvons toujours trouver des raisons plus constructives ou nous abstenir simplement de conclure.
Nous abstenir de conclure lorsque nous n’en avons pas les moyens nous donne au moins le mérite de valoriser la validité et de ne pas commettre de douloureuses erreurs.
Car la volonté de fonder nos croyances sur des informations plus valides et d’éviter de conclure à tout prix représente un très grand défi.
Cette attitude favorise autant de bonnes relations que notre bien-être.
Par exemple, lorsque nous accordons du crédit aux rumeurs, nous endossons nombre d’informations dont la source est plus que douteuse et, sans nous inquiéter davantage de leur validité, nous les répétons aux autres.
Il s’agit d’un cas notoire où nous ne nous préoccupons ni de la pertinence ni de la validité de nos croyances.
Voyons maintenant de plus près notre propension à expliquer les choses dans leur rapport de succession: une cause engendre un effet, un effet découle d’une cause.
D’abord, nous pouvons attribuer de fausses causes à un événement.
Dans ce cas, le problème surgit lorsque nos conclusions sont négatives et erronées.
Par exemple, après avoir été refusée à l’entrevue pour le poste qu’elle convoitait, Julie conclut qu’elle n’a aucune compétence (cause) et que c’est ce qui l’a empêchée d’être engagée (effet).
Mais Julie manque d’informations.
Elle gagnerait davantage à examiner d’autres causes possibles comme les qualifications requises, le nombre de candidats, le favoritisme de l’employeur pour certains d’entre eux, etc.
À l’inverse, nous pouvons voir un événement non pas comme l’effet d’une cause passée, mais comme la cause qui produira un effet futur.
Dans ce cas, les problèmes apparaîtront lorsque nos pronostics annonceront des catastrophes.
Par exemple, Guillaume a de la difficulté (cause) dans quelques cours.
Il se peut qu’il utilise cette situation pour conclure que son avenir sera tissé d’échecs scolaires (l’effet futur).
Ces conclusions fondées sur une simplification des causes et des effets pervertissent sa manière de prévoir les événements et de faire des choix pour son avenir.
Ses conclusions le démotiveront et, s’il échoue vraiment, ses distorsions cognitives auront joué un rôle important dans cet échec !
Pour améliorer votre vie, vous devez comprendre ces distorsions cognitives car elles peuvent vous faire beaucoup souffrir !
Croire que la seule issue possible d’une action mènera aux pires conséquences relève autant de la généralisation que du manque d’informations.
Et nous nous en satisfaisons la plupart du temps.
En aucun cas, pourtant, nous ne savons avec certitude ce qui va se produire.
Nous ne pouvons pas plus être assurés du pire et le généraliser !
Et lorsque nous considérons que seule une conséquence fâcheuse risque de se produire, nous écartons de nombreuses autres possibilités qui nous permettraient d’expliquer la situation avec plus d’exactitude.
La seule conséquence inévitable des faux rapports de cause à effet, c’est de nous noyer dans des émotions négatives.
Alors pour mieux comprendre les différents visages de cette distorsion cognitive, je vais vous présenter les différentes manières dont elle s’exprime.
Confondre une cause nécessaire avec une cause suffisante
Pour organiser un repas entre amis, nous devons accomplir plusieurs activités: téléphoner à nos invités, planifier le menu, acheter ce qu’il faut pour régaler la compagnie, etc.
Ces actions sont les multiples causes qui nous conduiront aux résultats attendus.
Et oublier l’une d’entre elles pourrait compromettre la soirée…
Malheureusement, nous considérons souvent comme suffisantes des causes qui, bien que nécessaires, ne permettent pas à elles seules d’obtenir l’effet escompté.
Il manque quelque chose.
Ainsi, nous devons identifier plusieurs de ces causes nécessaires car seule leur réunion les rendra suffisantes pour atteindre notre objectif.
Par exemple, pour prendre conscience des problèmes qui entravent l’instauration de l’harmonie dans votre vie, la lecture des articles de mon blogue et de mes livres est une cause nécessaire, au sens où ces lectures peuvent vous aider.
Mais ce n’est pas suffisant.
Il serait simpliste de croire que la lecture seule apportera des changements.
Il faudra réunir d’autres conditions, comme les efforts quotidiens pour comprendre et identifier les distorsions cognitives, être ouvert au changement, vouloir améliorer sa vie, etc.
Simplifier exagérément les causes d’une situation
Cette distorsion cognitive est probablement l’une des plus courantes.
À cause de la complexité de l’environnement dans lequel nous vivons, notre cerveau doit continuellement simplifier les événements pour les comprendre.
Si cela est utile, il n’est pas toujours possible d’identifier un seul rapport de cause à effet.
Nous avons tendance à simplifier, à croire qu’un seul événement en produit un autre.
Peut-être n’y a-t-il tout simplement pas de cause identifiable ?
Peut-être y en a-t-il beaucoup trop pour espérer comprendre leurs relations ?
À la lumière de ces limites, éviter la simplification ne consiste pas à rechercher obsessionnellement des informations supplémentaires.
Il s’agit simplement de refuser l’excès inverse et éviter de juger en croyant qu’il n’existe qu’un très petit nombre de possibilités.
Contrairement à la généralisation, qui décuple les effets de causes mineures, la simplification sous-estime les causes réelles d’une situation.
Par exemple, affirmer qu’un malheur (effet) est arrivé à telle personne parce qu’elle l’a bien cherché (cause) réduit indûment la complexité des circonstances qui ont donné lieu à une expérience négative.
Et offrir ce genre de réponse à Céline, qui vient de raconter le drame qu’elle a vécu récemment, est le meilleur moyen de renforcer l’effet de son expérience éprouvante.
Elle cherche plutôt le réconfort.
Nous simplifions encore lorsque nous confondons une pensée, une émotion ou une impression avec un fait réel.
Par exemple, une personne qui a l’impression de devenir folle croira vraiment plausible de frôler la folie.
Son sentiment ne correspond pourtant pas à la réalité.
Le meilleur moyen de nous ouvrir à la richesse des autres et de notre environnement consiste donc à nous garder de simplifier et à encourager plutôt la curiosité !
La fausse corrélation: expliquer deux effets l’un par l’autre sans chercher leur cause commune
Tout comme la distorsion précédente, la fausse corrélation procède à une simplification.
Elle consiste à expliquer un événement par un autre alors que tous deux possèdent une cause commune.
Par exemple, si nous rencontrons une personne agressive et susceptible, nous penserons peut-être que c’est sa susceptibilité qui la rend agressive.
Pourtant, sa susceptibilité n’est peut-être pas du tout la cause de son agressivité.
Ces deux attitudes peuvent être les effets d’une cause commune: cette personne est déprimée et possède une mauvaise estime de soi.
Il nous arrive aussi de confondre un événement avec la cause réelle d’un état désagréable.
Par exemple, peut-être devenons-nous anxieux lorsque nous sommes en présence d’un certain nombre de personnes.
Pourtant, avant de conclure que les autres sont la cause de notre état, ce qui nous permet difficilement de le régler, nous pouvons voir si des aspects personnels sont impliqués, comme des pensées particulières, des souvenirs, une mauvaise gestion du stress, etc.
Même si les occasions où nous nous retrouvons en public sont stressantes, elles ne sont pas nécessairement la cause de notre anxiété.
Encore une fois, si nous privilégions la validité et non pas seulement l’intuition et l’approximation pour fonder nos conclusions, nous nous demanderons si le lien que nous établissons entre les deux choses, comme la susceptibilité et l’agressivité d’une autre personne, est légitime ou s’il n’est pas un peu simpliste…
Associer une cause et un effet à travers la succession des événements
Puisque nous tentons constamment d’expliquer ce que nous ne comprenons pas, nous tenons aisément pour plausible qu’un événement en cause un autre, s’ils se succèdent.
Évidemment, il est obligatoire que, dans l’ordre du temps, un effet suive une cause !
Mais cette consécution ne suffit absolument pas à valider une relation quelconque entre deux événements.
Cette erreur est très typique de la superstition.
Nous isolons arbitrairement une séquence d’événements parce qu’ils se suivent, et nous les considérons illico comme imbriqués dans une relation de cause à effet.
Combien de fois avons-nous entendu une affirmation comme celle-ci: « Depuis que l’événement X s’est produit, rien ne va plus dans ma vie (à la maison ou dans le village). »
Il en va de même des chats noirs, des échelles et des miroirs brisés…
L’anecdote suivante illustre bien cette distorsion cognitive:
Dans un train, un couple de gens âgés rencontre un voyageur qui leur offre de goûter un fruit qui leur était jusqu’alors inconnu: la banane. Le vieil homme prend la première bouchée juste au moment où le train s’engouffre dans un tunnel. Il crie aussitôt à sa femme: « N’en mange pas ! Ça rend aveugle ! »
Ainsi, même lorsque la succession des événements est parfaite, elle n’est absolument pas suffisante pour que l’on puisse conclure que les bananes causent la cécité !
Croire à la forte probabilité qu’un événement se reproduise
Une autre erreur concernant les rapports de cause à effet consiste à surestimer les probabilités qu’un événement se reproduise, ce que nous faisons souvent lorsque nous accordons une signification importante à un événement.
Par exemple, après avoir appris qu’un avion s’est écrasé, nous aurons peut-être peur de prendre l’avion, même si le crash s’est déroulé loin de nous.
Nous craindrons que le nôtre aussi s’écrase…
Dans ce cas, la peur se manifeste parce que notre attention a été dirigée vers l’horreur du drame, transmise avec force détails par les médias.
Pourtant, la survenue de cet événement tragique n’augmente pas les chances que d’autres événements semblables se produisent.
Cette distorsion cognitive est très éprouvante lorsqu’elle devient une source d’angoisse, car elle nous porte à anticiper une foule d’événements négatifs qui, en réalité, n’ont souvent que très peu de chances de se produire.
Pour se rassurer, il est bon de savoir que, statistiquement parlant, si une personne ne pouvait mourir que d’un accident d’avion, elle vivrait un million d’années3 !
Exagérer en inventant des conséquences toujours plus fâcheuses
Finalement, voici le dernier type de faux ami. Il consiste à attribuer à une situation perçue comme étant négative (mais qui a parfois un caractère neutre ou même positif) une suite d’autres événements désagréables jusqu’à obtenir un résultat complètement désastreux.
Imaginez que, lors d’une soirée, Antoine fait l’objet d’un commentaire négatif de la part d’un membre de son groupe d’amis.
Après avoir essuyé cette critique, il se met à croire que tous les autres pensent la même chose et finit par craindre d’être totalement exclu du cercle d’amis.
En imaginant une suite d’effets désastreux qui suivraient un événement initial (cause), nous faisons l’erreur de croire en la vraisemblance des conséquences toujours plus dramatiques que nous leur ajoutons.
Il peut exister une relation réelle entre les deux premiers événements, mais ce n’est pas le cas pour la suite que nous inventons.
Rien ne nous permet de croire à ce fatal effet de dominos !
Comme nous l’avons vu jusqu’à présent, les distorsions cognitives sont de véritables boîtes de Pandore.
Il arrive souvent que les événements n’aient aucune cause réelle, directe ou pertinente ou que nous nous retrouvions face à une combinaison d’éléments que nous ne sommes pas en mesure d’identifier.
Dans ces occasions, il vaut mieux nous abstenir de conclure.
Pour réaliser cet ambitieux projet qui consiste à améliorer votre vie et à être plus heureux au quotidien, vous devez apprendre à reconnaître les distorsions cognitives.
Sans toutes les connaître par cœur, le simple fait de savoir qu’elles existent et de pouvoir identifier certaines d’entre elles est un excellent début.
Je suis conscient que le contenu de cet article est quand même lourd et ardu.
C’est que je l’ai écrit, à l’époque, dans cette perspective, et je m’y connaissais moins en vulgarisation…
Je continuerai à vous offrir du contenu de développement personnel, et le nouveau contenu que j’écrirai par la suite sera plus léger, et plus drôle, je vous le promets !
Si cet article vous a plu, sachez qu’il est tiré de mon livre Petit traité antidéprime. Vous pouvez vous le procurer en version ebook pour le lire en entier.
Références
- KORZYBSKI, A. (1941), Science and Sanity. An introduction to non-Aristotelian systems and general semantics, Lancaster, 806 p.
- BECK, A. T., G. Emery and R. L. Greenberg (1985), Anxiety disorders and phobias. A cognitive perspective, New York, Basic Books, p. 196-198.
- MARQUIS, S. N. (1976), «Estimating the probability of catastrophes: Basic arithmetic for therapists», Paper presented at the Tenth Annual Meeting of the Association for Advancement of Behavior Therapy, New York.
Emilie a écrit
Bonjour,
Ce site est vraiment très utile. Il permet de relativiser, de voir les choses autrement, de vaincre les différentes formes de violences (internes et externes, conflit, stress, dénigrement…)
Un grand merci pour ces informations passionnantes !
Nicolas Sarrasin a écrit
Merci infiniment de votre commentaire Émilie !
C’est toujours un privilège pour un auteur comme moi d’avoir un contact avec celles et ceux qui apprécient ses écrits !
Votre commentaire m’encourage à continuer. 🙂
Réda a écrit
Bonjour,
Merci pour cet article passionnant. Je m’intéresse pas mal aux distorsions cognitives et c’est grâce à ce genre d’articles qu’on peut mieux les reconnaître et s’améliorer.
Nicolas Sarrasin a écrit
Merci beaucoup Réda ! 🙂
Marie a écrit
Dans un couple, on peut souffrir de ça ?
Car moi je vois tout en négatif et j’ai du mal à ressentir la moindre émotion positive alors que tout se passe bien.
Nicolas Sarrasin a écrit
Oui, les distorsions cognitives peuvent nous toucher à travers un grand nombre de contextes dans notre vie, et le couple en fait partie.
Si vous voyez tout en noir, vous souffrez peut-être de dépression. Je vous recommande de consulter pour vous assurer d’obtenir l’aide appropriée si c’est le cas.