Ce texte est l’un des chapitres de ma fable de développement personnel Le crapaud et le prince qui ne se trouvait pas charmant dont le contenu est accessible sur mon site. Voici la suite du chapitre précédent.
Nos deux amis venaient de quitter le château et entreprenaient maintenant le voyage qui devait les conduire jusqu’à la grotte du dragon.
Cette perspective était peu réjouissante…
Heureusement que la matinée était superbe ! Les oiseaux chantaient, les papillons voletaient, tout contribuait à ce que le prince et le crapaud se sentent dans un conte de fées, même s’il n’y avait aucune fée à l’horizon.
Clopin-clopant, les deux amis suivaient un petit chemin sinueux dont la forme rappelait celle d’un lacet de bottine, d’une bottine souriante.
Un baluchon sur l’épaule et un crapaud juché sur sa couronne, le prince cheminait, l’humeur légère.
Mais le silence indiquait combien chacun était songeur.
Tout à coup, l’image d’un énorme dragon, grognant et fumant (et il ne fumait pas la pipe), s’imposa à l’esprit du prince.
Son visage devint livide et son humeur légère s’alourdit en un instant, mais une sorte de petit claquement se fit entendre tout près.
– Quel est ce drôle de bruit ? demanda le crapaud.
– Quoi ? Quel bruit ? répondit le prince avec incertitude.
– C’est comme si deux branches s’entrechoquaient l’une contre l’autre…
– Non, je n’entends rien…
– Ne serait-ce pas tes genoux qui claquent ? soupçonna le crapaud, mi-figue mi-raisin.
– J’AI PEUR ! Je viens d’imaginer le dragon courant vers moi à pleine vitesse comme une locomotive et je suis sûr que je ne parviendrai jamais à le vaincre !
– Ah, je vois… Tu es en train de faire une rechute.
Le crapaud marqua une pause.
– C’est normal, ajouta-t-il. Cela prend un certain temps, de la volonté et plusieurs expériences constructives avant que la confiance en soi s’installe pour de bon. Mais laisse-moi te dire un secret. Savais-tu que je suis une créature extrêmement magique ?
– Ah oui ? Je t’avoue que cela ne m’avait pas effleuré l’esprit. Tu as beau parler plusieurs langues…
– Et je suis ténor, ne l’oublie pas. Mais ma magie est encore plus impressionnante que ma voix. Crois-tu que tu aurais réussi à gagner tous les combats du dernier tournoi avant de me connaître ?
– Euh… Je pense bien que non.
– Eh bien laisse-moi te partager mon secret, ajouta le crapaud comme s’il allait faire une confidence d’une grande importance. Sache que ma magie te permettra de réussir tout ce qui te fait peur. Tant que je resterai installé dans ta couronne, tu n’auras rien à craindre et tu peux être certain que tu gagneras le combat contre le dragon.
Le claquement cessa progressivement de se faire entendre…
– Ah oui, tu es sûr que je n’ai rien à craindre ?
– Absolument ! renchérit le crapaud sur un ton qui ne permettait pas la réplique.
Le prince parut rassuré. Il reprit donc sa marche d’un pas encore plus vif.
Il entendait derechef les oiseaux chanter et son cœur lui semblait plus léger.
Grâce au crapaud, il était maintenant invincible ! C’était une bonne nouvelle pour quiconque caresse le projet de vaincre un énorme dragon.
Chemin faisant, nos deux compères aperçurent une pierre ronde d’un mètre et demi de diamètre environ.
Elle se trouvait dans l’herbe fraîche sur le bord du chemin et elle avait quelque chose d’étrange, de très étrange…
En fait, un minuscule détail chiffonnait particulièrement nos deux amis.
C’est que les pierres ne sont jamais bleues, même dans les pays enchantés comme le leur…
Le crapaud se tenait debout sur la tête du prince, appuyé sur le rebord de la couronne, aux premières loges pour voir ce qui se passait.
Le prince approcha doucement.
Il restait sur ses gardes mais n’avait pas vraiment peur car il connaissait maintenant la magie du crapaud.
Après quelques pas, il fut tout près de la pierre. En la fixant, il constata qu’elle bougeait un petit peu et elle faisait même un bruit étrange.
Ce bruit ressemblait à un ronflement…
En contournant la pierre, le prince constata qu’une sorte de tuyau saillait d’une petite protubérance ronde à laquelle étaient rattachés quelques poils et ce qui ressemblait à deux grandes feuilles.
De l’air s’engouffrait et s’échappait de ce tuyau suivant un rythme régulier. Le prince s’approcha.
Tout à coup, il vit un œil s’ouvrir, un œil qui le regardait !
La réaction fut immédiate ! Le prince et la « pierre » se mirent à crier et à courir dans tous les sens et un bruit sourd se fit entendre.
Bang !
Le crapaud, qui se trouvait toujours sur la tête du prince, tira alors une mèche de ses cheveux avec assez de vigueur pour l’obliger à s’arrêter et à ouvrir les yeux.
Balayant l’horizon du regard, le prince aperçut rapidement la cause du bruit.
La pierre était en fait un tout petit éléphant que la surprise et la fuite avaient fait prendre la direction d’un gros arbre sur lequel il avait foncé tête baissée.
L’éléphant était maintenant assommé, les quatre fers en l’air.
Le prince ne put s’empêcher de pouffer de rire et il se dirigea vers le pauvre pachyderme miniature.
Les étoiles tournoyaient encore autour de la tête de l’éléphant qui reprenait lentement ses esprits.
– Comme c’est curieux, dit le prince, tu étais bleu tout à l’heure et te voilà tout rose.
Le rose de l’éléphant vira au cramoisi.
– C’est que… je deviens rose lorsque j’ai peur.
– Et rouge lorsque tu es embarrassé ? poursuivit le prince.
– Allez, laisse ce pauvre éléphant, dit le crapaud. J’espère que tu ne t’es pas trop fait mal ?
– Non, ça va, les éléphants de ma famille ont la tête dure. C’est ce que ma vieille tante Gertrude me disait toujours…
– Mais ce ne sont pas des blagues à faire, reprit le prince. Tu ressemblais vraiment à une pierre ! À ce que je vois, les pierres ne sont pas bleues, mais les éléphants nains oui. C’est logique… Comment t’appelles-tu ?
– Je m’appelle Sven et je suis un éléphant danois. Comme vous l’avez remarqué, je suis nain, comme tous les membres de ma famille. Saviez-vous que j’ai d’illustres vikings parmi mes ancêtres ?
– Ah oui ? Et c’est ce qui explique le curieux accent que tu as.
– Je croyais plutôt que c’est vous qui aviez un accent…
– La différence provient toujours de la manière dont nous voyons les choses, précisa le crapaud avec sagesse. L’important consiste bien plus à nous concentrer sur ce qui nous rassemble que sur nos différences.
– Et pourquoi faisais-tu la sieste sur le bord de ce chemin, Sven ? s’enquit le prince.
– Je crois que je me suis un peu égaré… J’étais parti de chez moi parce que je voulais refaire ma vie. J’ai marché, marché. Et c’est ici que je me retrouve, seul et fatigué.
– Le véritable voyageur est celui qui ne sait pas où il va… ajouta le crapaud sur un ton méditatif et regardant au ciel.
L’éléphant écarquilla les yeux, car il n’était pas habitué à entendre un discours aussi philosophique.
– Et pourquoi es-tu parti ? interrogea le crapaud.
– J’étais fatigué de vivre chaque jour la même chose. J’ai donc quitté mon pays pour partir à l’aventure et découvrir la vie.
– C’est très courageux, commenta le prince.
– Peut-être un peu trop, dit l’éléphant. Je ne sais même plus où aller ! Et, justement, je ne me trouve pas très courageux. Voyez-vous, cela me gêne horriblement de changer de couleur à tout bout de champ. J’aimerais bien devenir plus courageux et rester toujours bleu.
L’éléphant avait retrouvé sa belle couleur bleu azur qui le caractérisait.
– Cela tombe bien, nous allons combattre un dragon ! dit le prince avec assurance.
L’éléphant rosit.
– Un dragon ? Avec des dents, des écaillent et du feu qui lui sort de la gueule et des oreilles ?
– De la gueule seulement, corrigea le crapaud. Vous avez de biens étranges dragons dans votre pays.
– En fait, je n’en ai jamais vu…
– Veux-tu nous accompagner ? demanda le prince. C’est une belle occasion d’affermir ton courage pour rester bleu. Et en plus, tu disais que tu te sentais bien seul…
L’éléphant parut hésiter.
Bien que nos deux amis lui semblaient d’agréable compagnie, il ne savait pas s’il avait vraiment envie de rencontrer un dragon face à face.
C’est alors que le crapaud intervint avec son intuition habituelle:
– Tu sais, le valeureux prince que tu vois ici sous sa couronne a déjà été un pleutre patenté. Il était malheureux, craintif et il n’espérait rien de très positif. Mais il a appris récemment que, pour obtenir le meilleur de sa vie, il devait vaincre ses peurs. C’est peut être bon pour toi aussi ? À ta place, je ne laisserais pas passer une pareille occasion. Mais le plus important consiste à être sûr que tu choisis ce que tu veux vraiment faire. Autrement dit, ne nous accompagne pas pour nous faire plaisir. Si tu passes ton chemin, tu ne dois avoir aucun regret.
Les paroles du crapaud firent réfléchir l’éléphant qui sourit doucement.
– Bon, d’accord. Je veux bien vous accompagner. Mais à quoi pourrais-je vous servir ?
– Tu es petit mais tu es costaud, dit le prince. J’ai justement besoin d’un fier et fougueux coursier. Acceptes-tu de devenir ma monture et, surtout, mon ami ?
– Ma foi, répondit l’éléphant, je n’y aurais jamais pensé mais je crois que ces deux rôles m’iraient parfaitement !
C’est ainsi qu’un nouveau héros se joignit à nos deux voyageurs.
Ils poursuivirent donc leur route tous ensemble vers de nouveaux horizons, en quête d’aventures et, plus particulièrement, d’un dragon.
Pour lire le chapitre suivant, c’est ici…
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