Ce texte est l’un des chapitres de ma fable de développement personnel Le crapaud et le prince qui ne se trouvait pas charmant dont le contenu est accessible sur mon site. Voici la suite du chapitre précédent.
La première journée de la nouvelle vie du prince s’était engagée et elle était porteuse d’espoir.
Mais n’était-il pas exagéré de parler d’une « nouvelle vie » pour le prince puisque rien n’avait encore changé ?
Tout au contraire !
Il se passait quelque chose, et quelque chose d’important (dans la tête du prince, et peut-être aussi sur sa tête !)
En effet, auparavant, ce dernier avait attendu qu’un événement extérieur le libère de son malheur. Et il avait attendu, attendu…
Bien sûr, le prince avait rencontré le crapaud. Alors même si le véritable changement ne se produisait pas encore dans la vie du prince, il révolutionnait pour le moment sa manière de penser.
Le prince venait de découvrir qu’en modifiant son point de vue à son sujet, il se libérait des croyances qui le limitaient depuis trop longtemps. Il comprenait qu’il contribuait à façonner les événements qu’il désirait vraiment vivre !
Au château, tout le monde avait été estomaqué par la nouvelle. Le prince voulait faire autre chose !
Lui qui avait toujours fait sans sourciller tout ce qu’on lui demandait. Le prince appréhendait d’ailleurs beaucoup la réaction des autres, et particulièrement celle de ses ministres (Je dois préciser que dans ce pays enchanté, les rois et les reines n’existaient pas. Seuls les princes et les princesses avaient les pouvoirs royaux)
Cela avait d’ailleurs été un frein important à son désir de changer. Il ne voulait pas essuyer la colère ni la déception de son entourage.
Mais il avait un as dans sa manche, ou plutôt un crapaud juché sur sa couronne.
– Quoi, mon prince, vous ne pensez pas abandonner vos hautes fonctions au sein de l’État ! lui dirent en chœur ses ministres. Qu’allons-nous devenir sans vous ? Vous devez faire ceci et cela… et encore ceci.
Le prince sentait ses genoux fléchir.
Heureusement, le crapaud lui vint en aide en chuchotant:
– Si tu désires vraiment t’accomplir, tu dois développer ton authenticité et être autonome face à l’opinion des autres. Les personnes qui te respectent et qui t’aiment vraiment ne devraient-elles pas respecter tes choix ? Tu dois aussi les respecter, bien sûr, mais tu as le droit d’affirmer qui tu es et ce que tu penses.
C’est ce qui donna le courage nécessaire au prince de répondre à ses ministres:
– Je vous remercie de m’accorder cette importance, mais ma décision est prise. Je sais que vous pourrez vous passer de mes services, car j’ai une vie à vivre !
Après qu’il eut annoncé à tout le monde qu’il ferait « autre chose », le prince se sentit soulagé:
– C’est comme si le poids d’une douzaine d’enclumes massées sur mes épaules venait de disparaître ! C’est étrange, cela a été beaucoup plus facile que je ne le croyais.
– Voilà une autre grande découverte que tu viens de faire, répondit aussitôt le crapaud, ou plutôt deux découvertes. D’abord, tu as constaté que certaines personnes ont mal réagi lorsque tu leur as dit que tu avais de nouveaux projets. Qu’as-tu appris de leur réaction ?
– J’ai appris que je pouvais m’affirmer. Ce n’est pas parce que les autres voient les choses autrement qu’ils ont nécessairement raison. Je suis le mieux placé pour décider ce que je veux faire de ma vie.
– Très bien mon petit ! s’exclama le crapaud. Je ne regrette pas de t’avoir pris comme Apprenti Sage !
– Mais attend, Crapaud ! J’ai aussi fait une autre découverte, plus importante encore. J’ai été surpris de voir que plusieurs personnes ont très bien réagi à ma décision. Et moi qui pensais qu’elles piqueraient une colère ! À la place, elles ont été contentes pour moi et m’ont encouragé à aller de l’avant.
– Tu vois comme tu peux utiliser tes expériences pour réfléchir et pour apprendre de la vie. Cette découverte t’a aussi montré combien ton imagination te joue des tours. Je suis certain que tu t’es empêché de faire des choses simplement parce que tu avais peur qu’elles tournent mal, alors que la réalité est souvent beaucoup moins périlleuse.
– Je suis donc mieux de me frotter à la réalité au lieu d’écouter seulement mes peurs et mon imagination !
– Ce que nous imaginons est souvent bien pire que la réalité. Et même si les choses sont plus difficiles que nous le voudrions, ce sont les difficultés qui nous font grandir car elles nous apprennent elles aussi beaucoup de choses, pour peu qu’on sache les écouter ! Il s’agit de l’introspection, une attitude qui se trouve à la source de la sagesse.
– Et j’ai même fait une troisième découverte, renchérit le prince. Cette expérience m’a permis de constater à quel point les relations humaines sont importantes pour moi et que j’ai envie de m’entourer de ceux qui me respectent et m’encouragent vraiment. Les personnes qui veulent me décourager parce qu’elles ne pensent qu’à elles-mêmes n’ont pas de place autour de moi !
– Bien dit !
Le crapaud jubilait littéralement de voir à quel point il était tombé sur un élève doué.
Et dire que tout ce qui s’améliorait dans la vie du prince découlait de cette grande prise de conscience à l’effet qu’il possédait un véritable pouvoir sur sa vie…
Nos deux compères se promenaient en devisant. Ils ne s’étaient pas aperçus qu’ils se trouvaient maintenant dans l’un des petits villages qui bordaient le château.
À la vue du prince, les habitants se mirent à s’exclamer et à chanter ses louanges.
Une telle attitude n’avait jamais surpris le prince auparavant mais ce que lui avaient appris le crapaud et l’introspection, cette nouvelle manière d’apprendre de ses expériences, lui fit faire une singulière constatation.
– Crapaud, je ne comprends pas pourquoi tous ces gens me témoignent autant d’affection. Ils ne me connaissent même pas ! Bien sûr, ils savent que je suis le prince, mais ils ne me connaissent pas personnellement.
– Je constate avec plaisir que ton cerveau travaille davantage depuis que tu m’as installé à l’intérieur de ta couronne ! En effet, ces gens ne te connaissent pas. Mais toi, es-tu certain de bien te connaître ? Souvent nous agissons vis-à-vis de nous-mêmes comme tes sujets agissent face à toi. Nous tirons des conclusions à partir d’idées très superficielles. Ces gens savent seulement qui tu es. Mais si tu étais un despote, mériterais-tu pareilles louanges ? Ces gens ne t’ont même jamais parlé !
– Tu veux dire que j’agis envers moi-même un peu comme ces gens se comportent à mon égard ?
– Exactement ! Tu sais, nous avons souvent l’impression de bien nous connaître. Mais comment veux-tu savoir qui tu es si tu ne t’écoutes pas, comme tu faisais par le passé ? Crois-tu que tu te connais bien lorsque tu es convaincu de toujours échouer ? Tu n’es pas resté la même personne depuis les dernières années, tu as changé. Lorsque tu tires des conclusions rapides à ton sujet, comme « Je ne pourrai jamais », « Je ne vaux rien »… tu lèves un épais brouillard sur toute la richesse de ta personne. Autrement dit, avec les années, tu as appris bien des choses sur toi-même, mais plusieurs d’entre elles sont complètement fausses, et cela même si tu les crois vraies ! Ta vie est comme une œuvre d’art. Si tu ne prends que quinze minutes pour la réaliser, tu ne dois pas t’attendre à de très beaux résultats…
– D’accord Crapaud, c’est très bien tout ça, mais qu’est-ce que je fais alors ?
– Tu peux commencer par essayer de répondre à cette question par toi-même. Sois créatif que diable ! Plus tu joueras un rôle actif dans la construction de ta vie et plus les événements cesseront de se dérouler sans toi comme cela a été le cas jusqu’à présent. Tu m’as déjà fait part de ton grand rêve qui était d’aider les autres. Tu ne voulais pas commencer par redistribuer le trésor du dragon ?
Le crapaud avait emprunté un ton inquisiteur car il se doutait que son Apprenti Sage regrettait maintenant de s’être donné un objectif aussi ambitieux.
– Ah… oui. Ça m’était sorti de l’esprit, répondit le prince, hésitant. Je ne suis plus très sûr…
– Puis-je te poser une question ? s’enquit le crapaud.
– Tu m’en poses déjà une, répondit le prince, moqueur. Tu m’en as déjà tellement posé jusqu’ici, alors une de plus…
– Comment réagirais-tu si je te disais que je changeais d’idée et que je ne comptais plus t’aider, exactement le contraire de ce que je t’ai dit hier ? Crois-tu que je serais digne de confiance ? Crois-tu que je ferais preuve d’honnêteté et d’intégrité ?
– Euh, non. En effet, cette attitude serait très décevante. J’espère d’ailleurs que ce n’est pas ce que tu viens de décider.
– Eh bien sache que tu te comportes exactement de cette manière face à toi-même à chaque fois que tu renonces aux objectifs que tu t’es donnés. Et il s’ensuit exactement les mêmes conséquences, mais vis-à-vis de toi-même: tu perds confiance, tu te déçois, tu ne crois plus en tes propres possibilités.
Les paroles du crapaud résonnaient dans la tête du prince qui prenait tout à coup conscience qu’il était déjà en train de détruire les assises de la nouvelle vie qu’il s’évertuait à construire.
– D’accord, je vais lui montrer, moi, à ce dragon, de quel bois je me chauffe ! s’écria le prince tout à coup ragaillardi.
– Tu sais, tu peux te tromper lorsque tu choisis tes objectifs. Ce n’est pas cela le plus important. Ce qui est vraiment important, c’est que tes objectifs te font découvrir ta vie et tout ce que tu peux réussir. Tu auras amplement le temps de corriger le tir en cours de route. Mais reste au moins fidèle à tes décisions tant que tu n’as pas d’expériences concrètes pour te faire changer d’avis ! Tu peux te poser des questions sur toi-même et essayer de te donner une direction, une vision, des rêves. Mais la réalité, même dans un monde enchanté comme le nôtre, ne correspond pas toujours à l’idée que tu t’en fais. C’est à force de te poser des questions à travers tes expériences, à force de prendre en main toutes les dimensions importantes de ta vie que son sens véritable s’imposera à toi. C’est ce premier jalon que tu as posé lorsque tu as cessé de suivre le courant comme un voilier à la dérive.
– Je suis certain maintenant de ne pas me tromper, opposa le prince. Pas plus tard qu’hier, ma vie n’avait aucun sens, mais j’ai maintenant un rêve, celui de terrasser le dragon et de distribuer son trésor !
– Voilà ce que j’appelle un premier pas constructif ! renchérit le crapaud. Même si ce rêve n’est pas le dernier de ta vie, et même si tu ne le réalises pas, il t’offre un grand avantage. Cet avantage est celui de la motivation qui te pousse à passer à l’action. L’action, à son tour, te fera grandir à travers les expériences nouvelles que tu feras. Et même si tu modifies tes objectifs en cours de route, ce sont tes erreurs qui t’aideront à te connaître vraiment et à trouver ce qui est important pour toi, ce qui donnera le plus de sens à ta vie. La motivation et l’action sont tes deux meilleures amies, car elles te feront découvrir tes véritables possibilités. Tes buts te permettent d’orienter tes actions et ils te donnent envie d’avancer.
Le prince écoutait toujours attentivement le fruit de l’intarissable sagesse du crapaud. Il réfléchissait aussi de plus en plus. Ses réflexions sautaient d’une idée à l’autre. C’est alors qu’une constatation s’imposa à son esprit:
– Par quoi me suggères-tu de commencer ?
Comme toujours, le crapaud semblait avoir une réponse toute prête à servir au prince. Décidément, rien ne le surprenait.
– Lorsque tu te donnes un objectif important à réaliser, ce qu’il faut éviter à tout prix, justement, c’est l’inertie. Plus un rêve est ambitieux et plus il a tendance à te décourager. Crois-tu que tu peux terrasser un dragon dans l’état où tu te trouves ? Bien sûr que non ! L’étape suivante consiste donc à te donner d’autres objectifs, plus petits ceux-là. Ces objectifs doivent s’accompagner d’actions que tu peux débuter dès maintenant. Cette étape te préservera de l’immobilisme. Au lieu de ne voir que l’immense montagne que tu t’apprêtes à gravir, tu suivras un chemin clairement tracé. Et à force de t’engager sur ce chemin, tu constateras bientôt que tu as atteint le sommet de la montagne sans même t’en être aperçu !
Toujours en discutant, nos deux amis avaient quitté les abords du petit village où le prince avait compris combien il ignorait qui il était vraiment. Nos deux compagnons cheminaient maintenant vers la cour du château, près de l’endroit où la garnison tenait ses quartiers. Le crapaud, toujours confortablement installé dans la couronne du prince, lui susurra à l’oreille:
– Bien que je sois habile au maniement de l’épée, je crois qu’il est préférable de recruter un meilleur professeur d’armes. L’heure est venue de t’entraîner. Nous ne partirons pas vers la grotte du dragon tant que tu ne seras pas devenu la plus fine lame du pays !
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