Comment le recadrage protège votre identité?

La joie est en tout, il suffit de savoir l’extraire. (Confucius)

Dans l’article précédent, vous avez vu comment appliquer le recadrage aux croyances et aux raisonnements qui nuisent à votre estime de soi et à votre confiance.

Je vais maintenant esquisser quelques manières de pousser encore plus loin la démarche salutaire du recadrage !

Il y a très longtemps, en Grèce, Dédale, à la fois sculpteur et architecte, était considéré comme le plus fameux artisan que la terre avait porté.

Les gens se demandaient si ses édifices n’étaient pas plutôt le fruit du travail des dieux.

On rapportait même que ses statues étaient si réelles qu’elles semblaient prendre vie.

Mais tout ne pouvait pas toujours aller aussi bien…

Talus, le neveu de Dédale, était aussi très bon dans son métier.

Il commençait même à menacer Dédale de lui ravir son titre de meilleur architecte.

Pour ne pas perdre ce à quoi il tenait tant, Dédale entreprit d’assassiner son neveu.

Mais on découvrit vite son forfait et Dédale fut condamné à l’exil, en Crète, en compagnie de son fils Icare.

Minos, le roi de Crète, accueillit avec plaisir le fameux artisan, car il avait besoin de ses services pour construire un labyrinthe, la seule prison qui pourrait retenir le Minotaure, un monstre dont le corps d’homme était affublé d’une tête de taureau.

Une fois le labyrinthe achevé avec succès, Dédale voulut quitter le royaume, ce à quoi Minos s’opposa.

Après une querelle, le roi sanguinaire enferma Dédale et son fils Icare dans le labyrinthe.

Les deux hommes risquaient ainsi de croiser le chemin du Minotaure, qui les dévorerait sans attendre.

Mais c’était sans compter les idées du génial inventeur.

Dédale fabriqua deux paires d’ailes, une pour lui-même et une autre pour son fils.

À tire d’ailes, ils réussirent ainsi à s’échapper de leur inextricable prison avant de se retrouver nez à nez avec son ignoble locataire.

Comme Dédale et Icare dans le labyrinthe du roi Minos, nous nous sentons parfois prisonniers de nous-mêmes.

Nous ne savons pas quelle direction prendre.

Une identité conflictuelle possède un contenu contradictoire qui provoque des souffrances et de l’incertitude.

Mais les difficultés augmentent lorsque, au lieu de reconnaître nos problèmes, nous les défendons pour sauvegarder la cohérence de notre identité déséquilibrée.

Il faut trouver une nouvelle manière de voir les choses.

Nous devons sortir de notre propre labyrinthe.

Résister aux épreuves

Lorsque vous vivez un conflit identitaire, le recadrage vous permet de prendre rapidement conscience du processus destructeur qui est à l’œuvre.

Vous restructurez ainsi votre identité en identifiant les problèmes au lieu de les entretenir sans vous en apercevoir.

Il s’agit en quelque sorte d’un état de veille qui empêche vos propres pensées de vous rendre malheureux.

Les chercheurs en psychologie Miron Zuckerman et Marylène Gagné ont enrichi l’inventaire des stratégies psychologiques que l’être humain utilise pour faire face aux situations difficiles.

Ils regroupent sous le terme « accommodation¹ » des attitudes telles que:

• La compréhension de ses émotions;
• La réinterprétation positive des événements;
• L’acceptation;
• L’optimisme;
• Et la capacité de remplacer ses objectifs lorsqu’ils sont inaccessibles².

Le recadrage nous aide à utiliser ces stratégies qui favorisent notre développement personnel.

Il préserve notre identité des événements éprouvants en insérant entre les deux la distance de la conscience.

C’est ce qu’illustre mon image ci-dessous.

Lorsque vous recadrez les informations qui concernent votre identité (les événements ou les paroles d’autrui, par exemple), votre conscience forme une barrière.

Votre identité n’est plus accessible directement (voir la sphère 2).

Il est toujours désagréable de souffrir, mais grâce au recours rapide au recadrage, vous passerez de la sphère 1, où votre identité est sensible à ce qui se produit dans l’environnement, à la sphère 2, où elle est protégée.

Prenons un exemple.

Si une personne que vous connaissez peu vous insulte et s’attaque à des dimensions importantes de vous-mêmes, vous vous sentirez probablement mal à l’aise.

Mais voici les deux types de réactions que vous aurez si votre identité correspond à la sphère 1 ou à la sphère 2.

Sphère 1

Si vous n’utilisez pas le recadrage, vous serez probablement triste et vous douterez de vous-même.

C’est que les informations qui proviennent de l’environnement, comme les commentaires désobligeants de cette personne, touchent directement votre identité.

Vous donnez du crédit à ces commentaires et ils diminuent votre estime de soi.

Sphère 2

Votre réaction sera bien différente si vous recadrez la validité de ces commentaires.

Voici d’ailleurs quelques exemples de ce que vous vous direz si vous prenez cette distance consciente:

• Comment une personne qui ne me connaît pas peut-elle me juger avec validité ?
• Même si cette personne a une opinion négative de moi-même, cela ne change absolument rien à ma valeur personnelle !
• Peut-être que la fatigue est la seule responsable et que cette personne ne pense pas vraiment ce qu’elle me dit.

Grâce à cette initiative, vous constaterez rapidement que vous n’avez aucune raison d’accorder du crédit à de tels commentaires.

Et, encore mieux, vous ne les utiliserez pas pour vous dévaluer. Votre identité demeurera donc intacte !

Les avantages d’une identité stable empreinte d’estime de soi

Voici encore quelques exemples pour vous montrer tous les bénéfices que vous obtenez à utiliser le recadrage.

Jacques souffre d’impuissance sexuelle pour la première fois de sa vie.

Il est effondré, honteux de lui-même.

En réalité, ce n’est pas l’impuissance de Jacques qui torpille son identité et cause ainsi son malheur, mais plutôt l’évaluation qu’il fait de lui-même.

Les stéréotypes masculins de la performance sexuelle et la peur que son problème perdure le dépriment profondément.

Dans de nombreux cas, pourtant, l’impuissance est psychologique.

Ce sont des pensées et des émotions qui causent le problème, la honte ou la peur de ne pas avoir d’érection, par exemple.

Ainsi, plus Jacques est anxieux, plus il appréhende l’échec sexuel, moins il a d’érection…

En plus de se dénigrer, Jacques nourrit une grande anxiété qui risque de répéter ces moments difficiles qu’il veut tant éviter.

C’est la raison pour laquelle, dans l’exemple de Jacques comme dans d’autres situations, il vaut mieux d’abord porter attention à la nature de nos pensées et de nos évaluations personnelles.

Car notre manière d’interpréter les événements joue toujours un rôle primordial dans nos déséquilibres identitaires.

Imaginez encore que vous êtes en camping et que vous préparez le repas.

Vous commencez par les pommes de terre, mais vous n’avez pas de couteau pour les éplucher…

Tant bien que mal, vous essayez d’enlever les parties noircies de la peau avec vos ongles.

Au retour de sa promenade, l’amie qui vous accompagne vous rappelle qu’il y a un canif dans la poche de votre manteau.

Vous songez alors que vous vous êtes donné bien du mal à préparer les pommes de terre alors que vous auriez pu vous simplifier la vie avec le canif.

Si seulement vous aviez su qu’il se trouvait dans votre poche !

Il en est ainsi du recadrage.

Il s’agit d’un fantastique outil dont nous disposons tous.

Malheureusement, il est rare que nous en tirions profit, car nous ignorons souvent que cet outil se trouve au fond nous.

L’expression du bien-être identitaire

Comme vous le constatez, le recadrage est une ressource inestimable.

Voici quatre manières dont votre bien-être identitaire s’exprimera à mesure que vous l’utiliserez³:

1. Vous profiterez d’une humeur positive dans vos activités quotidiennes. Il vous viendra à l’esprit des pensées telles que « Je me sens bien », « La vie est agréable », etc.
2. Vous vous évaluerez positivement: « Je mérite ce qu’il y a de mieux pour moi », « J’ai de nombreuses qualités », etc.
3. Vous envisagerez positivement votre avenir: « Je réussirai ce que j’entreprends », « L’avenir me sera favorable », etc.
4. Vous percevrez favorablement vos relations avec les autres: « Les gens m’apprécient », « Les gens me respectent », etc.

Ces quatre expressions du bien-être personnel portent sur des sujets importants dont il a déjà été question: l’estime de soi, l’appartenance à un groupe social, l’espoir.

Grâce au recadrage, vous reconnaîtrez facilement votre valeur personnelle et vous la verrez se manifester quotidiennement !

En effet, un ensemble de croyances valides produit des comportements cohérents, ce qui favorise les réactions saines et minimise les conflits.

Ces dispositions positives contribuent à rendre votre identité harmonieuse et votre vie agréable.

Plus vous serez en accord avec vous-même et moins vous douterez de ce que vous êtes.

Vous ne vous sentirez plus coupable pour rien.

C’est ce qui vous permettra d’affronter les événements avec confiance.

L’image suivante que j’ai créée pour l’occasion illustre ce processus de renforcement positif dont bénéficie notre identité à mesure que nous améliorons notre vie.

Ainsi, le recadrage vous aide à gérer votre identité de façon dynamique.

Ce processus affermit les zones incertaines de ce que vous êtes, vous aide à mieux vous comprendre et développe votre confiance, permettant des réactions plus adaptées et les faisant reposer sur des croyances plus valides.

Avec le temps, le recadrage vous aidera à développer des attitudes constructives qui vous sortiront de maintes impasses personnelles:

• Vous vous abstiendrez de tirer des conclusions sur vous-même lorsque vous ne disposez pas d’informations valides et suffisantes pour le faire.
• Vous poserez plus de questions pour approfondir votre compréhension des différentes situations.
• Vous apprendrez davantage de vos expériences.
• Vous clarifierez ce que vous ne comprenez pas: vous décomposerez les événements et les problèmes en différentes parties pour mieux les comprendre.
• Vous accepterez le fait que vous ne pouvez pas tirer de conclusion dans toutes les situations.
• Vous ne vous battrez plus contre ce que vous ne pouvez pas changer.
• Vous essaierez d’obtenir une vision globale des situations et des problèmes avant d’y réagir.
• Vous rechercherez des informations nouvelles et différentes de celles dont vous disposez. Par exemple, vous rechercherez les informations qui réfutent vos conclusions et non pas seulement celles qui les confirment.
• Vous explorerez d’autres possibilités pour expliquer les événements.
• Votre vision de vous-même ne dépendra pas de comparaisons continuelles avec les autres.
• Vous serez convaincus que vous possédez une valeur personnelle intrinsèque, absolument indépendante de ce que valorisent les autres et la société.
• Vous ne vous dénigrerez plus ni ne déprécierez gratuitement les autres.
• Vous gagnerez de la confiance en vous-même.
• Vous serez plus motivés et vous vous sentirez bien dans votre peau.

Quel bonheur de sortir d’un si grand nombre d’impasses !

Mais le recadrage n’est pas une panacée et ne nous dote pas d’une baguette magique: il faut travailler assidûment sur nous-mêmes pour obtenir ces merveilleux résultats.

Si cet article vous a plu, sachez qu’il est tiré de mon livre Qui suis-je? Vous pouvez vous le procurer en version ebook pour le lire en entier.

Références

1. Selon la théorie de l’évolution, l’accommodation est la capacité de changer que possède un être vivant pour s’adapter aux conditions qui prévalent à l’extérieur de son milieu naturel.
2. ZUCKERMAN, M.; GagnÉ, M. (2003), « The COPE revised: Proposing a 5-factor model of coping strategies », Journal of Research in Personality, 37, p. 174.
3. Ces catégories se basent sur le questionnaire des pensées automatiques positives dans INGRAM, R. E.; Wisnicki, K. S. (1988), « Assessment of Positive Automatic Cognition », Journal of consulting and clinical psychology, 56, p. 900.

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