L’homme est malheureux parce qu’il ne sait pas qu’il est heureux. (Dostoïevski)
Voici un article tiré de mon Petit traité antidéprime.
Je vous le confesse tout de go, au moment où j’ai écrit mon Petit traité antidéprime, je venais tout juste d’arrêter le doctorat que j’avais commencé.
Un côté (très) universitaire teinte donc ce livre et, en particulier, les premiers chapitres.
Ça ira en s’améliorant avec les chapitres suivants, le début étant plus « scientifique ».
J’ai conscience que ce texte est lourd, et je vous suggère même de sautez tous les articles tirés de mon livre que vous trouverez trop lourds.
Je veux seulement que vous reteniez qu’ils ne seront pas représentatifs de l’ensemble du contenu de mon blogue et que tout le nouveau contenu que j’écrirai avec le temps aura comme seul objectif de vous être utile et accessible au quotidien.
Mais si le sujet de cet article vous intéresse, vous passionne même, vous y trouverez de quoi de substantiel à vous mettre sous l’œil (et non sous la dent…)
Comme vous le verrez dans mes autres billets, avec le temps, j’ai réussi à me guérir et à écrire de manière plus dynamique, drôle et vulgarisée…
Mais n’oubliez pas que la rigueur et un contenu riche constituent en quelque sorte l’identité de mon blogue.
C’est ce que j’explique dans mon introduction.
Alors sans plus attendre, voici le premier chapitre…
Chaque jour, pour vivre, agir et côtoyer nos semblables, nous devons tenter de comprendre le monde qui nous entoure.
Cette vérité nous semble toute simple.
Elle est pourtant infiniment complexe du point de vue de notre cerveau…
En fait, notre cerveau, tel un formidable ordinateur, traite sans cesse l’incroyable quantité d’information qui s’impose dans toutes les dimensions de notre vie, que ce soit pour gérer nos émotions et nos comportements, pour apprendre, pour parler ou prendre des décisions.
Malheureusement, nous ne pouvons pas toujours raisonner correctement, car de nombreuses erreurs interfèrent naturellement sans que nous nous en rendions compte.
En outre, à certaines occasions, les événements de la vie mettent nos émotions en jeu, ce qui risque encore d’augmenter notre propension à conclure de la pire manière.
Le problème central, c’est le fait qu’un mauvais traitement de l’information mène à des comportements inadéquats qui, eux-mêmes, risquent d’altérer notre humeur, notre bien-être et peuvent nous conduire à la dépression.
Des pensées et des émotions négatives nous poussent souvent à tirer des conclusions désastreuses qui minent grandement notre vie et nos relations avec les autres en induisant des sentiments tels que le désespoir ou la dépréciation de soi.
De façon générale, je parlerai de ces erreurs dans nos conclusions, de ces pensées tordues, comme des « distorsions cognitives ».
Plusieurs chercheurs se sont intéressés à ce phénomène, notamment Bower1, qui met en relation les états émotionnels et les processus cognitifs.
L’objectif de mon Petit traité antidéprime est de vous aider à comprendre vos problèmes et à résoudre par vous-mêmes ceux qui ont une source psychologique.
Pour identifier aisément un problème potentiel, particulièrement une distorsion cognitive, il faut mettre l’accent sur la manière dont nous raisonnons.
Si des pensées particulières précèdent quelque malaise que ce soit, c’est qu’elles en sont probablement la source.
Il s’agit alors de modifier la nature de ces pensées.
Cette dernière étape semble la plus difficile, c’est pourquoi il est préférable de comprendre d’abord le fonctionnement de nos pensées, c’est-à-dire la manière dont nous attribuons une signification aux choses et aux événements.
Vous vous interrogerez peut-être sur l’utilité des nombreuses explications qui suivent, le sujet que je m’apprête à aborder pouvant paraître rébarbatif.
Sachez que les connaissances sur le cerveau et les processus cognitifs dont je vais parler dans cet article et les suivants sont issues de la recherche scientifique et circulent habituellement parmi un petit nombre de spécialistes.
Pour nous, ces connaissances revêtent pourtant un intérêt tout particulier, car elles sont susceptibles de nous aider à opérer des changements réels dans notre vie.
De la même manière qu’un horloger répare aisément un pendule défectueux parce qu’il en connaît le fonctionnement, nous ne serons en mesure de corriger les pensées et les comportements qui nous font souffrir qu’à partir du moment où nous comprendrons les mécanismes psychologiques qui nous régissent.
La prochaine section porte sur l’évolution du cerveau.
Je vous présenterai comment notre cerveau fonctionne et comment il traite les informations pour nous faire réagir aux événements de manière appropriée (le plus souvent possible en tout cas).
Notre cerveau: une lente évolution
Sur la terre, les organismes se sont développés en suivant un schéma d’organisation de plus en plus complexe.
Les cellules, ce qui les constitue principalement, se sont mises à coopérer et à se spécialiser dans des champs précis d’activités.
Certaines cellules sont devenues la matière des organes; d’autres ont formé les os; et d’autres encore (qui nous intéresseront particulièrement) ont constitué le système nerveux central.
Tout organisme, y compris l’être humain, évolue dans un milieu au sein duquel il s’évertue à survivre.
Pour ce faire, il doit bien « comprendre » son milieu.
Cette fonction relève du système nerveux, car c’est lui qui a la responsabilité de gérer les informations qui proviennent de l’environnement.
C’est de là que découle le mot « cognitif », que j’utiliserai fréquemment.
Il provient de deux termes grecs: le préfixe co, qui signifie « avec », et le mot gnoscere qui signifie « connaître ».
Avec la révolution cognitive, qui a commencé dans la seconde moitié du XXe siècle, on s’est mis à considérer le cerveau comme un ordinateur qui traite de différentes manières les nombreux types d’informations (la lumière du soleil, les paroles d’une personne, etc.) pour nous permettre de réagir, c’est-à-dire d’adopter tel ou tel comportement.
Ainsi, la détermination de notre comportement s’opérerait selon deux étapes: la perception de l’information provenant de l’environnement (stimuli) et le traitement de cette information à travers les processus cognitifs.
Par exemple, la mémoire nous permet de nous souvenir des événements passés.
Ces événements contiennent des informations que nous réutilisons chaque jour et dont nous tirons profit.
Le raisonnement, quant à lui, nous donne la possibilité de tirer de nouvelles conclusions, tandis que le langage nous aide à communiquer avec nos semblables.
Ce traitement de l’information est à l’œuvre dans l’ensemble de nos réactions et de nos activités psychiques: émotions, compréhension, évaluation, prise de décisions, etc.
Nous produisons et gérons le sens de tout ce qui nous entoure au moyen de ces processus cognitifs: c’est à partir d’eux que nous concevons l’ensemble de notre vie !
Les notions d’information et de traitement s’étendent même à nos valeurs et à notre manière de régler nos problèmes; elles sont directement impliquées dans la manière dont nous acquérons et utilisons nos connaissances pour interpréter jusqu’à notre plus modeste expérience (comme se gratter le nez…)
Après plusieurs millions d’années, les cellules d’organismes de plus en plus complexes se sont progressivement spécialisées, certaines justement dans le but de gérer les informations provenant de l’environnement.
C’est ce qui a donné le système nerveux.
Plus tard, l’amélioration du traitement de ces informations a permis aux organismes de s’adapter encore plus efficacement à leur environnement.
Puisque les notions d’adaptation et d’évolution sont fondamentales au sujet que j’aborde, je vais vous les présenter davantage.
De façon sommaire, on peut dire que tout organisme vivant poursuit deux objectifs principaux: survivre et se reproduire.
Pour ce faire, il doit, d’une part, se procurer suffisamment de nourriture et, d’autre part, éviter les prédateurs ou tout ce qui peut menacer sa vie.
Cette conception a été formulée pour la première fois de façon rigoureuse par Charles Darwin, en 1859, dans son ouvrage intitulé De l’origine des espèces par voie de sélection naturelle.
Depuis lors, sa théorie de l’évolution a été maintes fois validée par des disciplines très diverses allant de la paléontologie à la génétique.
Les espèces vivantes, dont nous faisons partie, ont évolué non seulement à travers un jeu continuel d’interrelations, les organismes se nourrissant les uns des autres, mais également en fonction de leur environnement naturel, plus ou moins hostile selon la région et le climat.
La perspective que nous apporte l’évolution place l’être humain en liaison directe avec son environnement.
Ce rapport a d’ailleurs été très élégamment illustré par sir Charles Scott Sherrington lorsqu’il a imaginé le propos que la Nature pourrait nous tenir:
Tu m’as crue morale, tu me connais maintenant dénuée de morale. Comment pourrais-je être morale, moi qui suis, comme tu le prétends, nécessité aveugle, pur mécanisme ? Cependant, après une longue attente, tu es enfin sorti de moi, toi qui es moral. En vérité, tu es la seule créature morale de l’univers entier et, par conséquent, la seule créature immorale.
Tu m’as crue intelligente, sage même. Tu me sais maintenant dénuée de toute intelligence et, pour la plus grande part de moi-même, privée de raison. Comment pourrais-je posséder sens ou finalité, moi qui ne suis que pur mécanisme ? Cependant, après une longue attente, je t’ai créé, toi qui possèdes la raison. Si tu daignes réfléchir un instant, toi, avec toute ta raison, tu peux comprendre cela.2
Nous nous sommes ainsi développés de manière à répondre le mieux possible à nos besoins essentiels.
La loi de l’adaptabilité implique que tout organisme doit être apte à changer pour mieux répondre à ses besoins et survivre aux exigences de son environnement.
L’aptitude au changement peut être d’ordre physique (comme avec le gecko, un petit lézard qui prend la couleur de l’arbre auquel il s’accroche) mais aussi d’ordre comportemental.
C’est ce dernier point qui nous intéressera particulièrement, car il concerne certaines capacités uniques à l’être humain.
Au fil du temps, notre cerveau s’est ainsi développé en tendant à favoriser une meilleure adaptation à notre environnement.
Ont été surtout « retenus » les changements de comportement qui ont prouvé leur efficacité en nous aidant à survivre aux variations de notre environnement.
Ces processus, dits « cognitifs » parce qu’ils procèdent de la connaissance, nous permettent d’apprendre, d’interpréter, de mémoriser, d’organiser et de comprendre les informations recueillies afin de mieux y réagir.
Les cellules de notre système nerveux se sont spécialisées dans la gestion d’informations complexes.
Elles nous ont fourni notamment la possibilité d’évaluer les conséquences de nos actions, ce qui s’est avéré fondamental3.
En effet, avec le langage, la possibilité de comprendre des relations telles que les causes et les conséquences des événements a permis à nos ancêtres de « prévoir » avec plus d’efficacité le fonctionnement de l’environnement et de mieux répondre à leurs besoins.
Cette faculté les a grandement aidés à survivre dans un environnement qui changeait sans cesse.
Par exemple, le fait de comprendre la relation entre l’eau (la pluie) et la croissance des végétaux a motivé l’être humain à arroser les plantes qu’il cultivait (comportement adapté), geste qui a assuré sa survie en période de sécheresse.
Des anthropologues croient d’ailleurs que cette évolution cérébrale est survenue à certains moments de l’histoire humaine.
Avec la bipédie, la main et son pouce permettant d’agripper et de maintenir fermement les objets, avec un cerveau beaucoup plus gros que celui de son parent, le chimpanzé, l’homo sapiens sapiens (l’être humain moderne) pourrait bien être issu d’une période particulière de l’histoire géologique de la terre.
À cause des variations climatiques et de l’instabilité de l’environnement, le cerveau se serait développé pour faire face à l’obligation de survivre à des changements rapides et fréquents4.
Il s’agit d’un autre processus que celui de la sélection naturelle, car il dissocie les individus d’un milieu spécifique: ce n’est plus le corps qui change, mais le comportement qui permet de tirer avantage du milieu lui-même.
Il s’agit de l’adaptabilité à la variabilité de l’environnement.
Les processus cognitifs impliquant l’analyse et la prévision des événements ont rendu l’être humain plus efficace pour survivre et lui ont permis de s’adapter à presque toutes les régions du monde.
La créativité et l’innovation sont des stratégies qui permettent d’ailleurs de faire face à une grande variété de situations.
Au début de l’ère paléolithique, il y a environ 30 000 ans, nos ancêtres ont commencé à coloniser de très nombreux territoires. Comme le dit Jane Goodall:
L’étonnante réussite de l’homme en tant qu’espèce est le résultat d’un développement de son cerveau qui l’a conduit, entre autres choses, à l’utilisation et à la fabrication d’outils, et lui a permis de résoudre des problèmes par le raisonnement logique, la coopération réfléchie et le langage.5
La capacité de comprendre notre milieu et de modifier rapidement nos comportements est ainsi devenue notre principal avantage.
Si notre finalité, survivre, restait la même que celle des autres animaux, notre système cognitif nous a graduellement aidés à maîtriser notre environnement de manière à en tirer un profit de loin supérieur à celui que nous aurions retiré du hasard.
Par exemple, à partir du moment où nos ancêtres ont compris la manière dont les plantes poussaient, la sédentarisation et l’« invention » de l’agriculture ont augmenté de manière significative la quantité de nourriture disponible.
Cette compréhension leur a également permis de mieux prévoir les événements désagréables, telles les attaques des prédateurs, pour les éviter et ainsi accroître encore ses chances de survie.
De nos jours, nos connaissances en météorologie ou en agriculture industrielle servent toujours les mêmes fins: prévoir les événements indésirables, les cyclones par exemple, pour les éviter et répondre avec plus d’efficacité à nos besoins primaires (nous nourrir, dans le cas de l’agriculture).
De cette manière, bien que notre mode de vie soit très différent aujourd’hui, l’amélioration de notre adaptabilité demeure la finalité de notre système cognitif.
En effet, des milieux aussi complexes que les villes dans lesquelles nous vivons n’ont jamais exigé autant de nos ressources et de notre capacité d’adaptation.
Cette notion d’adaptabilité constitue la toile de fond.
Il faut bien voir que si nous cherchons à comprendre davantage comment fonctionne notre cerveau, c’est précisément pour être en mesure de modifier notre comportement et nos croyances (pour nous adapter) de manière à augmenter l’efficacité de nos réactions tout en minimisant les risques d’erreur ou de conflit avec les autres.
L’efficacité et l’utilisation positive de nos ressources adaptatives pourront ainsi changer bien des choses sur le plan personnel, particulièrement si deux valeurs entrent en jeu.
D’une part, le désir d’apprendre, qui nous poussera à enrichir nos connaissances sur le monde et la vie.
D’autre part, la recherche des informations les plus valables, qui nous aidera à réagir de manière plus efficace.
Tous les éléments que j’ai définis jusqu’à présent, de même que ceux qui suivent, constituent autant de points de repère qui vous permettront de comprendre et d’accentuer votre maîtrise sur les événements et sur vous-mêmes.
Pour l’être humain, l’utilisation du langage est d’ailleurs directement liée au fonctionnement de la pensée.
Plus riches seront les termes dont nous disposerons, plus claire et organisée deviendra notre pensée.
Pour prolonger cette analogie, plus notre manière de raisonner et d’interpréter sera juste, plus notre vie se verra exempte de problèmes et plus elle nous semblera agréable.
Dans la façon dont se sont développées les différentes parties du cerveau, fondements de la pensée qui s’en est suivie, nous trouvons des indices qui nous aident à mieux comprendre ce précieux organe.
Commençons par voir schématiquement ce qui constitue la base de toutes les ressources cognitives que nous allons apprendre à maîtriser progressivement.
Pour bien comprendre le fonctionnement du cerveau, je vais décrire brièvement la manière dont ses différentes parties se sont développées et le rôle que chacune d’elles a joué dans l’établissement de ce que notre pensée produit de meilleur, mais aussi de pire…
Comment se sont développées les différentes parties du cerveau
Sommairement, on peut dire que le système nerveux central se divise en plusieurs zones qui correspondent aux étapes de son évolution (sa spécialisation), un processus qui se poursuit depuis des millions d’années.
Ce développement a commencé lorsque les premières cellules se sont regroupées pour assurer le traitement de l’information provenant de l’environnement.
Par exemple, le « cerveau » du concombre de mer compte une cinquantaine de neurones…
Beaucoup de chemin a été parcouru depuis !
Chez la plupart des espèces, le résultat de cette évolution a donné l’encéphale, soit la région du système nerveux qui est située dans la cavité crânienne.
Il importe tout d’abord de savoir que les zones inférieures, les plus primitives, régissent les fonctions primaires, tandis que les zones supérieures, plus récentes, sont le siège d’un traitement plus complexe de l’information.
Mais cette description est générale et simpliste.
En effet, les recherches récentes ont démontré que toutes les parties du cerveau interagissent les unes avec les autres et il n’est pas possible d’associer en tout temps une zone du cerveau à une utilisation particulière.
Il faut donc voir ma description comme une simple illustration générale du cerveau pour mieux comprendre l’ensemble.
Bien que des définitions et de très nombreux termes décrivent des parties beaucoup plus précises du système nerveux central, la présentation que je vous propose ne s’attardera (heureusement) qu’à ses parties les plus générales.
Le rhombencéphale et le métencéphale
Le premier cerveau, le plus primitif, est celui des reptiles. Appelé « rhombencéphale », il constitue la portion inférieure de notre cerveau et comprend plusieurs parties distinctes.
À la base, le bulbe rachidien est situé juste au-dessus de la moelle épinière.
Plus haut se trouve le métencéphale, qui contient la protubérance annulaire, ou pont, et le cervelet.
C’est cette zone qui contrôle et régule les comportements de base.
Elle entretient surtout les fonctions vitales les plus élémentaires comme la respiration, la déglutition, la digestion et les battements du cœur.
Ces fonctions assurent la survie de l’espèce et s’accomplissent pour la plupart de façon automatique.
Le mésencéphale et le diencéphale (ou paléocortex)
La seconde phase notable du développement cérébral se manifestera chez les premiers mammifères, faisant alors apparaître le mésencéphale, qui constitue la partie médiane du cerveau.
Nommée aussi paléocortex (du grec palaios qui signifie « ancien »), cette structure produit et gère des comportements plus complexes, notamment la motivation et les réactions émotionnelles.
Enserré au-dessus du tronc cérébral se trouve le système limbique (du latin limbus, qui signifie « bord »).
Ce « perfectionnement » du métencéphale nous a gratifiés de deux nouveaux outils: la mémoire et la capacité de faire des apprentissages.
Il est principalement composé de l’amygdale et de l’hippocampe.
La partie supérieure du mésencéphale se nomme « diencéphale » et comprend le thalamus, l’hypothalamus et le sous-thalamus.
Toutes ces zones jouent un rôle primordial: elles permettent l’élaboration de nouveaux comportements, les émotions, ce dont les reptiles restent toujours privés aujourd’hui.
Plus précisément, elles nous permettent de réagir aux expériences que nous vivons à partir des informations qui nous sont transmises par nos sens.
Elles forment ainsi la mémoire affective du cerveau en classant nos expériences selon leur nature « positive » ou « négative ».
Cet immense avantage adaptatif s’élabore grâce à une nouvelle forme d’apprentissage qui fonctionne comme suit: l’amygdale reçoit les informations sensorielles, les compare aux informations émotionnelles dont elle dispose déjà et provoque ensuite une réaction comportementale.
Tout ce processus s’effectue de manière rapide et inconsciente.
Malheureusement, la mémoire émotionnelle peut aussi produire des effets néfastes.
Par exemple, elle est impliquée dans les diverses phobies, des comportements irrationnels souvent générés à partir d’une expérience traumatisante.
Ces conditionnements négatifs sont inadaptés et difficiles à vivre; ils induisent des sentiments de peur en réaction à des phénomènes inoffensifs, entraînant des répercussions désagréables dans la vie quotidienne.
Certaines parties du mésencéphale et du diencéphale sont également impliquées dans l’olfaction.
Il s’agit du « rhinencéphale », mot forgé à partir des éléments grecs rhis et rhinos qui signifient « nez ».
L’odorat étant le premier sens à s’être développé, le traitement qu’il fait des informations olfactives s’effectue plus « directement » dans le cerveau.
C’est la raison pour laquelle certaines odeurs, comme celle des crayons de cire, sont propres à faire refluer avec force des souvenirs lointains de notre enfance enfouis dans notre mémoire.
Le télencéphale, ou néocortex: du grec neos (« nouveau »), qualifiant la plus récente étape du développement cérébral
La troisième et dernière partie du système nerveux central est le télencéphale.
Avec le diencéphale, il forme la portion supérieure du cerveau (prosencéphale).
Appelé également « néocortex », ou cortex cérébral, il est composé d’un tissu cellulaire épais d’environ un demi-centimètre qui recouvre la surface extérieure des hémisphères.
C’est la matière grise, la couleur de ces cellules étant effectivement grise.
Comme c’est la dernière partie du système nerveux central à s’être développée, seuls certains mammifères supérieurs en bénéficient, comme le dauphin et les hominiens que nous sommes.
Bien que le néocortex reste assez peu développé chez la plupart de ces mammifères, il constitue néanmoins la part la plus complexe du système nerveux.
Ce cerveau rationnel nous a fait accéder à un degré supérieur d’adaptation en nous donnant la faculté d’analyser de manière détachée les phénomènes de l’environnement.
Siège de la pensée, il reste primordial pour assurer des fonctions de base telles que la motricité et le traitement des informations sensorielles, autant que des fonctions « supérieures », comme la mémoire et le langage.
Le néocortex est d’ailleurs le siège principal des fonctions associées à la conscience.
C’est aussi la dernière partie du cerveau à parvenir à maturité, vers l’âge de neuf ans.
C’est la raison pour laquelle les enfants ne sont pas véritablement conscients: le lobe frontal ne se myélinise pas avant cet âge.
La myéline est une substance qui forme une gaine sur une partie des neurones, les dendrites, pour communiquer entre eux avec efficacité.
Les lobes du néocortex, dont chacun est associé à plusieurs fonctions, sont marqués à leur surface de scissures et de profonds sillons.
Le lobe frontal est le siège des aires motrices primaires associées aux mouvements volontaires et joue un rôle prépondérant dans les comportements complexes et la pensée, comme les raisonnements et l’utilisation de la mémoire.
De son côté, le lobe occipital s’occupe surtout du traitement de l’information visuelle.
Quant au lobe pariétal, il est directement lié au traitement des informations tactiles, mais il gère aussi d’autres informations sensorielles et joue un rôle dans le contrôle des gestes ainsi que des données spatiales.
Enfin, les lobes temporaux organisent l’information auditive et sont impliqués dans la reconnaissance des objets, en plus de participer au traitement des informations liées au goût, à l’olfaction, au langage et à la mémoire.
C’est à la jonction des lobes temporaux, occipital et pariétal que s’effectue le traitement secondaire qui intègre entre elles les différentes informations sensorielles.
C’est le néocortex qui orchestre les activités supérieures du cerveau, de la conscience jusqu’au langage et aux formes complexes de sociabilité que l’on observe dans les diverses cultures du monde.
À travers l’évolution, la vie en communauté a d’ailleurs été un facteur décisif permettant à l’être humain de développer ses processus cognitifs.
En cela, l’écriture s’est avérée particulièrement utile car, comme le langage et la pensée, et parallèlement à la vie en société qui lui a été nécessaire, elle a permis de consigner les nouvelles connaissances, laissant ainsi les générations suivantes poursuivre là où les autres s’étaient rendues, sans continuellement devoir réinventer la roue…
En terminant, voici un résumé des différentes parties du cerveau
1. Le rhombencéphale: Situé au-dessus du bulbe rachidien, il contient le métencéphale (le cervelet et la protubérance annulaire).
2. Le mésencéphale
3. Le système limbique
- L’hippocampe: Sélectionne les informations sensorielles qui seront ensuite mémorisées par le cortex cérébral. Sans l’hippocampe, qui discrimine le contenu des situations, la mémoire serait généralement déficiente.
- L’amygdale: Joue un rôle prépondérant dans le contrôle adaptatif du comportement et la mémoire émotionnelle.
4. Le diencéphale (ou paléocortex)
- Le thalamus: Fait office de relais entre le « haut » et le « bas », le cortex cérébral et les régions plus primaires (rhombencéphale).
- L’hypothalamus: Participe à la régulation des fonctions végétatives, c’est-à-dire à l’activité du système nerveux autonome (respiration, battements du cœur, etc.).
- Le sous thalamus: Contribue au contrôle de l’activité musculaire inconsciente.
5. Le télencéphale (ou néocortex): Avec le diencéphale, il forme le prosencéphale, la partie supérieure du cerveau (opposée à rhombencéphale).
Comme nous venons de le voir, grâce aux différentes parties de notre cerveau, nous arrivons à créer et à utiliser des connaissances sur le monde.
Si l’idéal de ces « dispositifs » cognitifs consiste à prévoir les événements pour nous permettre d’adapter l’environnement à nos besoins fondamentaux, il nous reste encore à mieux les comprendre pour les utiliser de manière plus efficace et éviter que leurs limites ne nous nuisent.
Si cet article vous a plu, sachez qu’il est tiré de mon livre Petit traité antidéprime. Vous pouvez vous le procurer en version ebook pour le lire en entier.
Références
- BOWER, G. H. (1981), “Mood and Memory”, dans American Psychologist, vol. 36, p. 129-148.
- SHERRINGTON, C. S. (1940), Man on his nature, Cambridge, Cambridge University Press, 413 p.
- CAREW, T. J. (2002), “Understanding the consequences”, dans Nature, vol. 417, p. 803-806.
- GODFREY-SMITH, P. (2002), «Environmental complexity and the evolution of cognition», dans R. J. Sternberg and J. C. Kaufman (dir.), The evolution of intelligence, Mahwah, Lawrence Erlbaum Associates, p. 223-249.
- GOODALL, J. (1971), In the shadow of man, Boston, Houghton Mifflin, p. 243.
Pow a écrit
C’est super intéressant ! Merci beaucoup, votre article est d’une précieuse aide.
Nicolas Sarrasin a écrit
Merci beaucoup ! 🙂