Dans mon article précédent, je vous ai présenté les 3 étapes cruciales pour utiliser le recadrage.
Puisque cet article était très long, j’ai réservé cet article pour vous montrer tout ce que vous gagnez à utiliser le recadrage chaque jour!
Devant tous les détails des trois étapes que je vous ai présentées dans mon article précédent, certains pourraient se décourager.
Mais rassurez-vous, il n’est pas nécessaire de suivre à la lettre tout ce que j’ai proposé !
J’ai préféré fournir beaucoup d’informations pour clarifier cette méthode et vous aider à l’adapter au plus grand nombre possible de situations.
Il n’est pas nécessaire de connaître toutes les causes de vos réactions.
Soi-même, mais en mieux !
Rappelez-vous que le recadrage s’applique aux contenus de vos pensées.
L’objectif consiste donc à mémoriser ses trois grandes étapes (identification, la confrontation des distorsions, et les nouvelles conclusions) pour les utiliser au moment opportun.
Vous modifierez ainsi votre interprétation des événements pour réagir moins rapidement et moins fortement, pour ne pas vous dénigrer et pour accepter votre passé.
Même si nous ne nous rendons pas compte du mal que nous nous faisons souvent, nous ne désirons évidemment pas maintenir un contexte de vie désagréable.
Avec le recadrage, d’une part, nous nous concentrons sur nos humeurs et nos réactions afin d’améliorer notre interprétation des événements.
D’autre part, nous devenons plus motivés à améliorer notre vie et à l’enrichir sur tous les plans.
Il est vrai que le processus du recadrage met un certain temps à devenir efficace.
Cependant, à mesure que vous en développerez la saine habitude, et pour peu que vous connaissiez bien les distorsions cognitives, vous finirez par mieux réagir presque automatiquement.
Les conséquences de vos réactions malsaines s’imposeront à votre esprit et vous saurez comment les maîtriser.
Vous devez entamer le processus de recadrage dès que vous reconnaissez ce premier indice: vous commencez à vous sentir mal.
Vous dirigerez ainsi votre attention ailleurs que sur des pensées négatives et effectuerez un retour critique sur les conclusions invalides issues de vos distorsions cognitives.
Le recadrage ne fait pas que remplacer vos pensées négatives par des pensées positives.
Il invalide vos fausses conclusions et les déconstruit en vous faisant comprendre leurs désavantages.
Par exemple, si vous amorcez un conflit avec une autre personne, cette prise de distance face à la situation vous montrera jusqu’où la colère peut vous mener si vous y cédez et vous aidera à trouver des solutions.
Par la même occasion, vous aiderez l’autre personne à suivre le même processus et vous vivrez le bien-être qui suit la résolution d’un différend (ou le fait de l’éviter) !
Avec l’exemple de Claudine de mon article précédent, j’ai illustré les deux premières étapes du recadrage et je me suis surtout concentré sur la perception douloureuse de la vie.
Mais le recadrage sera aussi utile pour mieux réagir dans des situations très variées, même en couple ou au travail.
La métacognition constitue une sorte d’alarme.
Peu importe le moment où vous l’utiliserez, elle sera toujours préférable à l’inaction, plus efficace que de balayer vos problèmes sous le tapis, de perdre confiance en vous ou de laisser la première impression négative vous envahir.
Pyszczynski et Greenberg1 ont constaté que les distorsions cognitives nous portent à nous concentrer sur nous-mêmes, particulièrement à la suite d’un événement désagréable.
À la différence, il semblerait que les gens heureux se concentrent davantage sur ce qui est extérieur à eux.
Le recadrage nous aide aussi à nous ouvrir sur le monde, à cesser de nous tourmenter avec ce qui s’avère souvent de faux problèmes.
Ainsi libérés, nous avons plus de plaisir dans nos activités et profitons mieux de nos relations avec les autres.
Comme je l’ai mentionné dans la deuxième étape, pour expliquer les événements, il y a toujours lieu de rechercher plusieurs possibilités plutôt que de nous contenter d’une seule.
Cela nous montre à quel point, sous un angle quelque peu différent, les choses ne sont pas si mal et arrivent même à s’améliorer.
Et puisque nous ne pouvons pas continuellement vivre dans le flou, nous déterminons ensuite les possibilités les plus valides.
Mais la validité exige aussi de ne pas conclure à tout prix !
Si aucune avenue ne semble suffisante pour nous permettre de comprendre, c’est que nous ne disposons tout simplement pas des informations adéquates ou qu’il n’existe aucune explication.
Vous devez vous assurer que vos interprétations conduisent à des croyances et à des comportements adaptés qui augmentent votre bien-être. Si la conclusion est valide, la réaction sera positive.
Par contre, si vous la jugez invalide, grâce au recadrage, vous retournerez en quête de nouvelles informations.
Vous poursuivrez cette méthode bienfaisante jusqu’à ce que:
- Vous obteniez des croyances et des réactions comportementales qui ne nuisent ni à votre bien-être ni au bien-être des autres;
- Vous trouviez une quantité suffisante d’informations pertinentes pour soutenir les croyances que vous considérez comme vraies;
- Vous vous empêchiez de conclure lorsque vous n’êtes pas en mesure de le faire.
Au tout début de son utilisation, le recadrage vous donnera peut-être l’impression étrange de n’être plus tout à fait vous-mêmes.
En effet, puisque vous adopterez des attitudes différentes, vous serez bien en train de changer, mais toujours à votre avantage.
Cependant, votre démarche enrichira votre identité et n’apportera que les modifications nécessaires pour améliorer le cours de votre existence.
Par exemple, si vous n’avez jamais porté attention à votre personnalité, vous aurez l’impression d’être « différent ».
Mais votre nouvelle connaissance de vous-mêmes raffinera vos valeurs, vos buts et vos actions.
Le recadrage est un travail d’analyse (à ne pas entendre ici au sens de « psychanalyse ») qui vous fournit les informations les plus réalistes possible.
Cette attitude autorégulatrice procure une plus grande flexibilité au comportement.
Des pensées négatives s’imposent souvent à notre esprit sans même être le fruit de véritables raisonnements.
Dans ce cas, les distorsions cognitives sont devenues automatiques et nous enferment dans des modèles stéréotypés de croyances et de réactions dont il est urgent de sortir.
Le recadrage substitue à ces croyances instantanées des points de vue plus fonctionnels propres à instaurer un contexte plus sain.
Michael Wegner2 pense la même chose lorsqu’il écrit:
Chaque individu doit distinguer les généralisations qui lui sont nécessaires, en lesquelles il peut croire, de celles qui ont tendance à être moralement préjudiciables et méritent ainsi d’être considérées avec scepticisme. Évidemment, pour combattre les généralisations injustes, on a besoin de ce qui a été identifié pour combattre les insinuations et autres opinions fausses difficiles à rejeter. On a besoin de plus d’informations.
Prenons cette fois un contre-exemple.
Imaginez que, pendant ses études, Édouard planifie qu’à 25 ans il sera sur le marché du travail, occupera l’emploi qu’il désire, se mariera et fondera une famille.
Si, par malheur, les événements s’écartent de ce plan très rigide, Édouard vivra de l’amertume et de la désillusion. Au pire, sa déception le mènera à la dépression.
Pourtant, Édouard pourrait encore être heureux, redéfinir des projets plus « malléables » et s’adapter aux impératifs de la vie.
Souvent, les personnes qui donnent un sens trop précis à leur avenir s’effondrent sans savoir qu’elles pourraient simplement s’adapter.
Plus le sens de nos croyances est inflexible, plus il est difficile de le changer et d’éviter les déceptions.
Plus ce que nous planifions est précis, plus grandes sont les chances que les événements n’y correspondent pas.
Les gens qui règlent ainsi les moindres détails de leur vie risquent davantage d’être désarçonnés.
Comme nous l’avons vu précédemment, non seulement les autres ne sont pas obligés de penser comme nous, mais l’environnement est complexe et nous ne disposons jamais des informations nécessaires pour prévoir clairement notre avenir.
Si nous veillons à ne pas fixer une fois pour toutes le contenu de nos croyances, nous serons moins déstabilisés lorsque des changements surviendront.
Nous serons alors en mesure d’adapter à notre avantage le sens de chaque situation.
Nous pouvons modifier nos conclusions en fonction des nouvelles informations sans pour autant renoncer à nos buts.
Le mieux consiste peut-être à faire confiance à l’avenir et à nous concentrer sur les seules certitudes que nous avons, par exemple, la certitude voulant que l’assiduité au travail augmente nos chances de réaliser des projets et d’améliorer le cours de notre vie.
Le recadrage est un outil psychologique puissant que vous pouvez d’abord apprendre à utiliser. Seule la pratique régulière fera de vous des experts en la matière.
Parce qu’il est difficile de changer nos manières d’agir ou d’interpréter, nous sommes souvent portés à croire que c’est impossible d’y parvenir.
Il ne faut cependant pas confondre ce qui est difficile avec ce qui est irréalisable !
La métacognition améliore la connaissance de nos attitudes et augmente ainsi la cohérence entre nos comportements et leurs résultats3.
Sa mise en pratique nous aide à remettre nos interprétations et nos actions en cause plus souvent et plus facilement.
Le recadrage nous incite à mettre quotidiennement au point de nouvelles croyances plus riches, à élaborer de nouvelles manières d’interpréter, sans pour autant subir des changements rapides et déplaisants.
Le fait d’évaluer la cohérence de nos actions et les avantages qu’elles apportent dans notre vie nous empêche d’interpréter les événements de manière restrictive et d’éviter le manque d’informations ainsi que les distorsions cognitives.
Car rappelez-vous que pour expliquer les événements, l’être humain (notre cerveau) préfère habituellement la facilité et la rapidité…
Grâce au recadrage, vous pouvez ainsi analyser vos comportements et vos croyances en regard de leur capacité à vous rendre heureux.
Il s’agit simplement de vous demander s’ils sont ou non avantageux pour vous-mêmes et les autres, s’ils sont source de plaisir, de satisfaction, de confiance, etc.
Voici d’autres importants bénéfices que le recadrage vous apportera
1. Le recadrage favorise l’apprentissage
Il serait bien difficile d’identifier les distorsions cognitives et de les maîtriser sans même savoir qu’elles existent !
Pour évaluer leurs conséquences nuisibles, il faut en apprendre plus à leur sujet.
À mesure que nous utilisons le recadrage, nous apprenons beaucoup sur nos erreurs puisque nous nous y attardons suffisamment.
De cette manière, nous analysons mieux notre humeur, nos pensées, nos raisonnements et nos émotions pour les comprendre et savoir comment éviter qu’ils nous rendent malheureux.
2. Le recadrage favorise la connaissance de soi et préserve notre identité
Contrairement à un simple conditionnement qui vise à nous préserver de la souffrance (mais qui peut nous en causer bien d’autres), le recadrage est une démarche consciente et dynamique qui met l’accent sur les processus qui causent nos problèmes.
Une conscience accrue de nous-mêmes améliore donc significativement le contrôle.
Elle réorganise ainsi notre interprétation des événements pour qu’elle n’altère pas inutilement le contenu de nos croyances fondamentales, comme ce que nous pensons de nous-mêmes, notre identité.
Cette distance nous protège des attaques personnelles que nous pourrions subir et nourrit la confiance.
Par exemple, si une personne excédée perd patience et nous insulte gratuitement, au lieu de douter de notre valeur, le recadrage nous fera considérer d’autres possibilités d’explication en soulignant que notre valeur personnelle n’a aucun rapport avec la situation.
3. Le recadrage augmente notre capacité à prévoir les événements
Plus nous accumulons d’informations sur la vie et les réactions humaines, mieux nous connaissons les causes des événements et leurs solutions particulières. C’est aussi en cela que réside un plus grand bonheur…
Notre cerveau s’est développé de manière à comprendre l’environnement, à le « prévoir ».
Le recadrage encourage cette disposition naturelle en mettant l’accent sur des informations pertinentes qui enrichissent l’ensemble de nos connaissances.
Au lieu de nous contenter de réagir à ce qui se passe, nous devenons de plus en plus posés, conscients des répercussions de nos réactions.
Nous nous représenterons les conséquences de nos actions, nous guiderons nos futures interprétations et raffinerons notre attitude tout en cessant de répéter les mêmes erreurs.
N’est-ce pas là une définition de la sagesse qui englobe toutes les autres ?
Finalement, vous constatez que le recadrage touche toutes les parties de la vie !
Si cet article vous a plu, sachez qu’il est tiré de mon livre Petit traité antidéprime. Vous pouvez vous le procurer en version ebook pour le lire en entier.
Références
- PYSZCZYNSKI, T. and J. Greenberg (1987), «Self-regulatory perseveration and the depressive self-focusing style: A self-awareness theory of reactive depression», in Psychological Bulletin, vol. 102, p. 122-138.
- WEGNER, D. M. (1994), White bears and other unwanted thoughts. Suppression, obsession, and the psychology of mental control, New York, Gilford Press, 207 p.
- SNYDER, M. and D. Kendzierski (1982), «Acting on one’s attitudes: Procedures for linking attitude and behavior», in Journal of Experimental Social Psychology, vol. 18, number 2, p. 165-183.
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