Je l’avoue d’entrée de jeu: mon titre est un tantinet ambitieux par rapport à ce que j’expliquerai ici.
Je ne serai pas exhaustif sur des sujets aussi riches, mais je vous proposerai un survol du rôle extrêmement important que jouent la perception, la mémoire et l’apprentissage dans votre bien-être quotidien et dans la manière dont vous forgez vos expériences de vie.
Pourquoi aller à la source du fonctionnement de votre cerveau ?
Quel est le lien avec le développement personnel ?
Simple !
C’est à travers votre cerveau que vous interprétez et vivez la réalité.
Rien que ça.
Votre bonheur en dépend donc.
Alors, même si, quand je vais chez le garagiste, je n’ai pas envie qu’il m’explique comment fonctionne le moteur de ma voiture, dans le cas de votre cerveau, ce genre de connaissance peut vous être très utile 😉 !
Alors j’y vais…
La perception de tout ce qui nous entoure…
De manière générale, les informations dont nous disposons proviennent de notre expérience de l’environnement, celui-ci étant constitué de l’ensemble des phénomènes qui se produisent tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de nous-mêmes et à partir desquels nous forgeons nos connaissances, nos croyances, bref, l’ensemble de nos représentations du monde (ou, en d’autre mots, « notre manière de voir les choses »).
L’environnement est composé d’éléments naturels (une forêt, un lac… ou votre voisin acrimonieux) ou artificiels (une ville, une voiture), vivants (les gens que nous côtoyons) ou inorganiques (la caresse du vent sur notre visage), etc.
Il ne faut pas oublier que l’environnement social, l’ensemble des occasions où nous fréquentons nos semblables, constitue sans nul doute la source d’informations la plus importante sur le monde et sur la vie.
Pour accéder à ces si précieuses informations qui se retrouvent à foison dans l’environnement, nous devons disposer d’un médium bien précis: c’est ce à quoi servent nos multiples systèmes sensoriels.
La sensation nous permet de capter différentes formes de stimulations à l’aide de récepteurs.
Notre peau pour le sens du toucher, nos yeux pour la vision, etc.
Ces récepteurs fournissent à notre cerveau des informations utiles de manière à réagir au mieux et assurer la survie de l’organisme (nous…).
Au cours de l’évolution, nos différents récepteurs se sont spécialisés, allant parfois jusqu’à ne percevoir qu’une seule forme de stimulation.
Cette sélection de l’information peut être involontaire, comme lorsque l’iris de l’œil fait varier l’ouverture de la pupille en fonction de la luminosité; ou volontaire, comme lorsque nous recherchons une personne précise en balayant une foule du regard.
Sur le plan cognitif (le traitement de l’information qu’effectue notre cerveau), la perception s’effectue majoritairement grâce à des processus dits bottom-up parce que le traitement des informations s’effectue depuis l’environnement jusqu’au cerveau.
Les informations montent, en quelque sorte…
Différentes sources d’informations sont également présentes dans l’environnement.
Il y a les informations directes qui découlent de la perception concrète des multiples phénomènes du monde. Se brûler en constitue un exemple très probant !
Mais il y a aussi les informations indirectes.
Ce sont toutes celles qui, à travers différents modes de communication tels que l’écrit ou l’oral, décrivent des expériences que nous n’avons pas (encore) faites.
Par exemple, avant même d’utiliser une scie à ruban pour la première fois, nous savons qu’il est dangereux de se couper avec cet outil.
Je sais aussi à quoi ressemble un parachute même si je n’en ai jamais conçu un seul et que je n’ai jamais sauté dans le vide depuis un avion avec ce type de machin…
La perception des stimuli qui viennent de l’environnement forme ainsi l’ensemble des connaissances à partir desquelles nous fonderons nos comportements.
Vous voyez donc à quel point notre perception et nos expériences passées jouent un rôle important !
Car des expériences négatives risquent de susciter des réactions de sensibilité extrême qui peuvent aller jusqu’à nous rendre inadaptés…
Par exemple, une personne qui tombe plusieurs fois de suite dans des milieux de travail différents sur des collègues de travail et/ou des patron(ne)s intimidateurs pourra finir par développer un tel niveau de stress qu’elle en aura de la difficulté à travailler correctement…
À l’opposé, une absence complète d’expériences ou d’informations concernant d’éventuels événements fâcheux risque de nous en faire sous-évaluer le potentiel de risque.
Cela peut générer des comportements problématiques, comme la conduite dangereuse d’une voiture pour quelqu’un n’ayant encore jamais eu d’accident…
Mais que faisons-nous de toutes ces informations ? C’est ici que les parties de notre cerveau dédiées à la mémoire entrent en jeu !
La mémoire, à la base de l’apprentissage
Grâce à notre cerveau, nous avons l’occasion d’apprendre énormément au cours de notre vie.
L’apprentissage correspond à l’acquisition en mémoire et à l’utilisation d’informations très diverses, allant des lettres de l’alphabet jusqu’à nos propres réactions émotionnelles.
Mais nous n’accumulons pas ces informations au hasard.
Des structures neurologiques innées préexistent à cet apprentissage.
Ces structures gèrent le stockage des informations, leur organisation ainsi que la manière dont nous pourrons les utiliser.
Notre cerveau compte environ 100 milliards de neurones qui peuvent individuellement interagir avec un maximum de 10 000 autres !
Suivant ces chiffres, le nombre de connexions possibles devient vertigineux !
Le fonctionnement même de nos cellules nerveuses et leur complexité illustrent l’importance de l’apprentissage dans l’élaboration de nos comportements1.
Nos expériences sont des interactions constantes avec ce qui nous entoure, les informations qui nous influenceront notre vie durant.
Nous avons avantage à profiter de la « malléabilité » de nos neurones, qui sont fondamentalement conçus pour modifier les liens entre eux.
Grâce à cette plasticité, nous serons toujours en mesure de changer.
Bien sûr, plus nous vieillissons et plus il devient difficile d’apprendre et de changer nos habitudes.
Mais nous garderons la capacité à modifier nos comportements pendant la majeure partie de notre vie.
Si nous ne nous adaptons pas face aux changements que les événements mettent sur notre chemin, il faut en chercher la cause bien plus dans notre attitude ou notre volonté que dans nos ressources.
Savoir que nous disposons des ressources pour changer et nous adapter peut aider à donner confiance.
Ça peut aussi souligner de la simple mauvaise foi (et de l’automutilation mentale, puisque nous ne contrôlons pas les événements extérieurs) quand nous refusons de nous adapter…
Revenons au cerveau.
Plus nous apprenons, plus nombreuses sont les nouvelles connexions qui s’effectuent entre les neurones et plus notre cerveau devient apte à en créer d’autres, ce qui favorise l’apprentissage.
Pour rendre plus facilement compréhensible cette importante notion d’apprentissage, je vais décrire brièvement les différents types de mémoire, puisque tout apprentissage s’élabore progressivement suivant la nature des informations et des activités et suivant le fonctionnement de la mémoire.
Voici les différents types de mémoire
La mémoire déclarative
La mémoire déclarative, ainsi nommée parce qu’elle fait appel au langage, implique deux sortes de mémoire qui varient en fonction des informations qu’elles stockent.
D’une part, il y a la mémoire sémantique qui contient l’ensemble des connaissances générales dont nous disposons sur le monde et sur la vie.
D’autre part, la mémoire épisodique est composée des souvenirs liés à des événements particuliers de notre vie que nous avons retenus.
Ce qui caractérise les connaissances de la mémoire déclarative, dites aussi « connaissances encyclopédiques », c’est le fait qu’elles peuvent être traduites et communiquées à l’aide du langage.
La mémoire procédurale
La mémoire procédurale contiendrait un « inventaire » d’activités. Contrairement à la mémoire déclarative, les connaissances qu’elle emmagasine porteraient plutôt sur des actions – des procédures – et ne pourraient pas vraiment être communiquées par le langage.
Par exemple, nous pouvons faire du vélo avec succès même si nous n’avons pas pratiqué cette activité depuis 10 ans.
Pourtant, même si une personne se fait expliquer en détail la manière dont elle peut arriver à tenir en équilibre sur deux roues, elle ne réussira que grâce à la pratique et non grâce aux explications qu’on lui aura fournies.
La mémoire procédurale porte aussi sur des actions de base qui peuvent être efficaces dans plusieurs contextes différents: peu importe la forme et la taille du vélo ou le terrain sur lequel nous roulons, nous serons à peu près toujours capables de rester en équilibre.
La mémoire à long terme
Comme son nom l’indique, c’est la mémoire à long terme qui entrepose les informations dont nous disposerons pendant une longue période.
Elle est composée des deux mémoires précédentes: déclarative et procédurale.
La mémoire de travail
Anciennement appelée « mémoire à court terme », la mémoire de travail possède des capacités limitées mais fondamentales.
C’est elle qui stocke les informations temporaires liées à la réalisation de diverses activités et qui permet d’accéder aux informations contenues dans la mémoire à long terme.
Elle est rapide, automatique et son fonctionnement reste inconscient.
C’est d’ailleurs son contenu qui s’efface lorsque nous sommes distraits ou perdons le fil de nos idées.
Sans cette mémoire, nous ne pourrions vaquer à nos occupations quotidiennes.
On peut même dire que, sans elle, nous ne pourrions même pas penser2.
Tableau résumé des principaux types de mémoires
Nom de la mémoire | Durée de mémorisation | Type | Description | Localisation |
La mémoire sémantique | Long terme | Déclarative | Elle retient les concepts, les connaissances générales liées à l’environnement. | Surtout le cortex cérébral, dans des zones spécialisées selon les activités (audition, vision, etc.) |
La mémoire épisodique | Long terme | Déclarative | Elle situe nos souvenirs en fonction de leur contexte. C’est à travers elle que nous nous souvenons des épisodes de la vie. | L’hippocampe, le thalamus et le cortex préfrontal. |
La mémoire procédurale | Long terme | Non déclarative | Elle retient les procédures de l’action et de l’apprentissage moteur (ex. : faire de la bicyclette). | Surtout le lobe temporal et le cervelet. |
La mémoire de travail | Court terme | Déclarative | Elle possède une capacité limitée de stockage. Elle est reliée à l’attention et mémorise les informations nécessaires pour accomplir les activités courantes. | Le cortex préfrontal et certaines régions postérieures du cortex. |
La mémorisation sera évidemment bien meilleure si nous répétons un grand nombre de fois la même information. Mais la rétention de l’information dépendra aussi du sens que nous lui accordons.
Autrement dit, plus une information est signifiante et importante, meilleure sera sa mémorisation3.
Nous retenons donc beaucoup plus facilement les sujets qui nous intéressent.
Une raison de plus pour tenter de poursuivre nos passions et nos intérêts dans la vie.
Même notre cerveau est d’accord !
La rétroaction (ou feedback) occupe également une place fondamentale.
La rétroaction est la réponse à nos comportements dont nous pouvons profiter si nous en prenons conscience.
Par exemple, ce type d’information permet de rectifier les erreurs que nous commettons en exécutant une tâche, et ce, jusqu’à ce que nous la maîtrisions parfaitement.
Vous connaissez l’expression « 30 ans d’expérience versus 1 an d’expérience répété 30 fois » ?
Elle illustre l’importance de la rétroaction dans l’apprentissage.
De manière caricaturale, une personne qui n’en tient jamais compte au cours de sa carrière sera après 30 ans aussi compétente qu’après sa première année, puisqu’elle ne se sera jamais préoccupée d’apprendre et d’améliorer quoi que ce soit…
C’est ce à quoi correspond donc l’expertise.
Par exemple, lorsque nous apprenons pour la première fois à nous servir d’un ordinateur, certaines erreurs nous guideront en nous faisant apprendre ce qu’il est utile de faire et ce qui est nuisible, comme quitter une application sans enregistrer les modifications faites à notre travail.
Ainsi, la rétroaction enrichit constamment les connaissances que nous avons déjà acquises sur un sujet ou sur une activité.
L’apprentissage se poursuit notre vie durant et c’est à partir des informations que nous avons emmagasinées en mémoire que nous raisonnons.
Ces informations constituent l’ensemble des connaissances grâce auxquelles nous accomplissons de nombreuses activités chaque jour: elles sont la somme de ce que nous connaissons !
Le rôle important de l’enfance
En regard de l’apprentissage que nous ferons de la vie, l’enfance reste une période primordiale, car elle constitue la première occasion où nous sommes confrontés au monde et où nous devons réagir sans disposer de connaissances assez nombreuses pour comprendre avec la même facilité que l’adulte.
Dans l’enfance réside la source à laquelle nous avons puisé de nombreux exemples de comportements, en observant nos parents, par exemple, ce qui nous a permis d’apprendre et d’élaborer plusieurs types de réactions.
Pendant notre enfance, la dépendance aux parents reste d’ailleurs totale: leur amour et leur attention sont synonymes de survie.
C’est la raison pour laquelle nous intégrons profondément leurs valeurs et leurs paroles.
Cet apprentissage, qui s’effectue sans que nous ne nous en rendions compte, peut être la cause de plusieurs problèmes à l’âge adulte.
Par exemple, une personne qui n’a jamais vu ses parents échanger des marques d’attention risque à son tour d’ignorer cela dans son couple, sans même peut-être se douter que l’affection est possible…
L’enfance sera donc une période déterminante de la vie puisque l’impossibilité de revenir sur nos expériences et de bien les comprendre risquera d’accentuer les éventuels traumatismes et de renforcer les mauvaises habitudes de raisonnement, comme la dévalorisation.
L’enfance a souvent occupé une place prépondérante dans certains courants de pensée, comme l’ineffable psychanalyse.
Si, comme nous venons de le voir, l’enfance est aussi importante, il est cependant faux de croire qu’elle nous stigmatisera pour le reste de la vie, comme si le « mal » était fait une fois pour toutes !
C’est la raison pour laquelle il est important de démentir certains mythes: aucune conception fausse formulée dans l’enfance n’est définitive, aucun traumatisme, de même qu’aucun comportement destructeur n’est irrémédiable (outre les maladies mentales, sur lesquelles le « contrôle conscient » n’est pas possible).
C’est pourquoi il est primordial de rester actif et de croire en notre inaliénable possibilité de changer.
C’est sur cette capacité d’apprendre, de modifier nos pensées et nos comportements pour nous adapter aux événements de la vie que repose notre capacité de développement personnel.
Il est donc utile de mieux comprendre, d’abord, le rôle qu’ils jouent, de manière à pouvoir les utiliser plus efficacement en notre faveur par la suite.
Et ce n’est que le début !
Si cet article vous a plu, sachez qu’il est tiré de mon livre Petit traité antidéprime. Vous pouvez vous le procurer en version ebook pour le lire en entier.
Références
- MILLER, E. K. (2000), «Organization through experience», in Nature Neuroscience, vol. 3, number 11, p. 1066-1068.
- SMITH, E. E. and J. Jonides (1999), «Storage and executive processes in the frontal lobes», in Science, vol. 283, p. 1657-1661.
- ANDERSON, J. R. (1995), Cognitive psychology and its implications, New York, W.H. Freeman and Company, 519 p.
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