Chaque être humain souhaite éviter la souffrance. Mais la quête de bonheur égoïste, celle qui se vit sans les autres, est vouée à l’échec. Au contraire, un bonheur altruiste permet d’actualiser toute note humanité. (Matthieu Ricard)
Il y a quelques années, j’écrivais des articles de psychologie et de développement personnel pour différents magazines. C’est à cette époque que j’ai eu la chance et le plaisir de faire cette entrevue.
Matthieu Ricard est bien connu comme scientifique et surtout comme moine bouddhiste qui chemine aux côtés du Dalaï-lama. Dans cette entrevue, il nous révèle certaines clés fondamentales mais trop peu connues pour améliorer notre vie.
Rencontre avec un moine scientifique inspirant !
De multiples facettes
Matthieu Ricard est un homme dont les multiples facettes nous inspirent. D’abord chercheur en génétique cellulaire, il a donné une nouvelle direction à sa vie en devenant moine bouddhiste.
Il est l’interprète français du Dalaï-lama depuis 1989. Il est aussi l’auteur de plusieurs livres, dont Le moine et le philosophe, co-écrit avec son père, Jean-François Revel, et Plaidoyer pour le bonheur.
Il fait don de ses droits d’auteur à des projets humanitaires à travers l’organisation qu’il a fondée, Karuna-Shechen. D’ailleurs, saviez-vous que les projets humanitaires de Matthieu Ricard sont administrés en dépensant moins de 2% en frais généraux ?
«Entraîner» le cerveau au bonheur
Depuis l’an 2000, Matthieu Ricard collabore au Mind and Life Institute dont l’objectif est de favoriser le dialogue entre la science et le bouddhisme. « Le Dalaï-lama décrit le bouddhisme comme une science de l’esprit, car ses pratiques, qu’elles soient spirituelles, mentales, physiques ou orales, visent à transformer l’esprit, dit-il. »
Cette initiative ouvrait une nouvelle voie, scientifique celle-là, pour étudier les manières d’améliorer la vie humaine. « À travers ces recherches, on essaie de mieux comprendre la nature de nos émotions et la façon de les gérer, ainsi que les effets à court et à long terme de cet entraînement particulier de l’esprit que l’on nomme “méditation”, ajoute-t-il. » C’est ainsi que les neurosciences contemplatives sont nées.
« Nous sous-estimons considérablement notre capacité à transformer notre manière de penser. Auparavant, une idée qui avait la vie dure en science voulait que le cerveau ne change pas avec les années. C’était avant de découvrir la neuroplasticité, cette faculté du cerveau à évoluer au gré des expériences. Nous savons aujourd’hui que son fonctionnement peut être modifié grâce à un apprentissage ou un entraînement spécifique. »
Autrement dit, nous entretenons nos défauts et ce qui nous rend malheureux tant que nous maintenons nos habitudes et les laissons se renforcer jour après jour.
« Nous trouvons normal de consacrer du temps à faire des apprentissages fondamentaux, comme la lecture et l’écriture; nous consacrons des heures à faire de l’exercice pour améliorer notre santé. Il en va de même de notre esprit. Si nous changeons notre façon de voir les choses, nous améliorons notre qualité de vie. Et cet entraînement de l’esprit passe par la méditation. »
Le Mind and Life Institute a ainsi inspiré de nombreuses recherches sur des personnes pratiquant diverses formes de méditation consacrées entre autres à la compassion, à l’altruisme et au développement de l’attention.
Leurs résultats furent publiés dans de prestigieuses revues scientifiques et montrent que le cerveau peut être entraîné et modifié d’une manière surprenante !
La méditation pour enrichir sa vie
Selon Matthieu Ricard, « l’état que nous considérons “normal” n’est pas un but en soi: il n’est que le point de départ pour améliorer notre vie. Il est possible de changer peu à peu notre manière d’être en remplaçant, par exemple, l’obsession par le contentement ou la haine par la bienveillance. »
Il s’agit d’une nouvelle manière de faire l’expérience des choses et du monde. « Les qualités humaines telles que la présence d’esprit, l’attention, l’altruisme et la compassion peuvent toutes être développées davantage. Les recherches ont démontré que 30 minutes de méditation par jour pendant 8 semaines amélioraient le fonctionnement du système immunitaire et diminuait la colère et l’anxiété, pour ne nommer que quelques bénéfices. »
Matthieu Ricard utilise également la métaphore de l’espace intérieur pour expliquer les dommages causés par le stress:
« Si notre espace intérieur est très étroit, la moindre contrariété engendre de fortes perturbations. Notre esprit est comme un verre d’eau dans lequel on jette une poignée de sel: l’eau devient imbuvable. Si, en revanche, on agrandit cet espace intérieur, et que l’esprit devient semblable à un vaste lac, la même poignée de sel ne changera rien à sa saveur. »
Heureusement, nous pouvons augmenter la profondeur de notre être, et Matthieu Ricard nous propose plusieurs pistes pour y parvenir: « Nous travaillons avec assiduité sur notre carrière ou notre forme physique, mais trop peu sur notre esprit. En ce domaine, nous pouvons aussi développer des ressources dans lesquelles nous puiserons. Il s’agit de qualités fondamentales comme l’amour altruiste et l’ouverture aux autres, mais aussi de l’attention et de l’équilibre émotionnel qui enrichissent considérablement notre existence et nos relations avec les autres. Le sentiment d’insécurité provient beaucoup de l’égocentrisme: plus nous sommes centrés sur notre personne et plus nous avons de “raisons” de nous inquiéter. Au contraire, le fait de nous tourner vers les autres et de ne pas exagérer les événements favorise la sérénité. »
Mais un tel programme demande de la volonté et des efforts de notre part. Sommes-nous vraiment égaux devant ce défi d’amélioration ? Matthieu Ricard nous rassure. « Certaines personnes ont plus d’aptitudes que d’autres. Mais même si nous avons un désavantage au départ, il est toujours possible de s’entraîner. Si une personne est défaitiste aujourd’hui, elle le sera toute sa vie si elle n’y travaille pas. Il ne suffit pas simplement de souhaiter s’améliorer. Déterminez en premier lieu quelles qualités vous souhaitez développer. Ensuite, pour chaque trait de caractère négatif, développez le trait constructif qui peut le contrer. Par exemple, une personne colérique cultivera la patience; une personne méprisante nourrira l’amour et la bienveillance. »
Matthieu Ricard a rédigé son livre L’art de la méditation à la suite des nombreuses questions que les participants lui posaient sur le sujet à la fin de ses conférences. Il y explique plusieurs manières d’intégrer, grâce à la méditation, de nouvelles habitudes mentales.
« On associe souvent à la méditation des clichés tels que faire le vide intérieur ou relaxer… Les bénéfices de la méditation sont plus tangibles. Une première méthode, dite analytique, nous permet d’examiner la nature de la réalité pour évaluer les causes et les conséquences de nos souffrances et de celles que nous faisons vivre aux autres. Une autre méthode est plus “contemplative”. Elle consiste à tourner notre attention vers l’intérieur pour observer, au-delà des pensées, notre “conscience pure”, celle qui préside à la formation de nos pensées. C’est ainsi que nous pouvons changer en profondeur notre vie intérieure et goûter à davantage de paix, chaque jour. »
Références
- L’organisation humanitaire de Matthieu Ricard: www.karuna-shechen.org.
- Mind and Life Institute: www.mindandlife.org.
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