La vie n’est pas un château de sable. (Jacques Languirand)
Jacques Languirand est un grand communicateur qui balise pour nous les routes peu fréquentées de la pensée depuis plus d’un demi-siècle.
Bien connu à travers l’émission Par 4 chemins qu’il a animée à la Première Chaîne de Radio-Canada de 1971 à 2014, la recherche de sens et l’engagement social caractérisent son travail.
Je l’ai interviewé au moment où il a publié avec le théologien et philosophe Jean Proulx un livre intitulé Le Dieu cosmique qui propose des pistes pour mieux comprendre la spiritualité des philosophes et des savants tels qu’Einstein.
Nicolas: En quoi le sujet développé dans le Dieu cosmique est-il relié à la quête spirituelle que vous poursuivez depuis des décennies ?
Jacques Languirand: J’ai toujours été très respectueux des religions sans pour autant y adhérer. Je trouvais que les savants et les philosophes étaient en mesure de fournir un éclairage différent, profond et rationnel sur le sujet.
Einstein a donc été l’occasion de découvrir une « religiosité cosmique », c’est-à-dire une croyance qui touche le plus petit commun dénominateur.
Il s’agit par exemple de la fascination devant l’intelligence qui a pu façonner l’univers, du sentiment de solidarité envers nos semblables et de la paix face à la mort qui nous effraie tellement.
Je trouvais que cette « religiosité cosmique » pouvait aider ceux qui étaient devenus inquiets face à la religion, particulièrement à notre époque.
Nous pouvons trouver chez les scientifiques, des gens habituellement intelligents et nuancés, un peu d’ordre pour nous aider dans notre vie et éviter de détruire l’environnement.
Toute personne qui s’engage dans une quête spirituelle peut donc s’intéresser à cette manière de concevoir l’univers, celle des savants qui ont cru en quelque chose de plus.
Nicolas: Au Québec, nous avons jeté le bébé avec l’eau du bain et éliminant une grande part de notre spiritualité en même temps que la religion catholique. Sur quels plans gagnons-nous à nous réconcilier avec la spiritualité ?
Jacques Languirand: Selon moi, certaines des difficultés que nous vivons aujourd’hui sont en partie attribuables à la perte de la vie spirituelle. Le suicide, la perte du sentiment de solidarité, la surconsommation, l’augmentation du stress et de la consommation d’antidépresseurs sont autant d’indices qui illustrent la perte du sens à l’existence.
Il est possible, même si nous n’adhérons pas à une religion, de développer une spiritualité qui nous donne envie de vivre de manière équilibrée. Le sens est encourageant; il nous motive à explorer et à nous dépasser.
Les personnes qui entretiennent une ouverture face à l’absolu ont plus de chances de vivre heureuses.
L’altruisme contribue à améliorer les relations et l’équilibre personnel qui découle de cette spiritualité diminue le stress, car on accorde du sens à des valeurs plus personnelles et plus authentiques que la consommation.
Le but de notre livre était d’aider à clarifier cette réflexion spirituelle, à donner du sens à la vie même si nous n’adhérons à aucune religion. Il s’agit à la fois d’une spiritualité personnelle et globale: elle nous relie aux autres et à la nature dans laquelle nous vivons.
Nicolas: Selon vous, pourrons-nous vivre un jour avec une éthique planétaire qui prônera la justice, l’égalité et la liberté pour tous ?
Jacques Languirand: La religion cosmique présentée dans notre livre implique de nous poser des questions, ce qui contribue à développer un sens de la responsabilité face à nous-même et aux autres.
Une telle vie spirituelle implique une réflexion morale, pour prendre notre responsabilité et mieux agir socialement, car nous devons connaître nos devoirs envers les autres et envers la nature.
Il s’agit donc également d’intervenir dans le monde avec nos convictions, non pas pour convertir les autres mais pour prendre la place morale qui nous revient.
C’est à ce prix que l’être humain pourra peut-être un jour vivre avec une spiritualité dont le sens donnera toute son importance à la nature, à l’altruisme et à la justice.
Quand je porte un jugement sur une théorie, je me demande si, dans l’hypothèse où je serais Dieu, j’aurais aménagé le monde de cette manière-là. (Albert Einstein)
Pour aller plus loin:
- Jacques Languirand et Jean Proulx, Le Dieu cosmique. À la recherche du Dieu d’Einstein.
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