La conscience de soi est peut-être la caractéristique la plus fondamentale de l’espèce humaine. Elle représente une nouveauté, car les espèces dont descend l’humanité n’avaient que des rudiments de conscience de soi, ou bien même en étaient totalement dépourvues. (Theodosius Grigorievic Dobzansky, The Biology of Ultimate Concern)
L’être humain, en tant que modèle d’évolution, n’est âgé que de quelques dizaines de milliers d’années. Pourtant, pour la première fois dans sa courte histoire, une révolution est en train de se mettre en place.
Nous avons compris que nous pouvions comprendre le fonctionnement de notre propre intelligence.
Depuis quelques années, les recherches en sciences cognitives ont amorcé ce bouleversement qui nous mènera très loin et dont le XXIe siècle n’est encore témoin que de l’aube.
La pensée humaine connaît ses propres limites.
Cela, nous le savons. Mais nous commençons à peine à constater combien la connaissance de ces limites nous permet de les dépasser.
Cette compréhension de notre propre manière de penser nous dote d’outils aussi nouveaux qu’inestimables, de modes de réflexion extrêmement efficaces et flexibles, d’une plus grande capacité d’adaptation.
L’être humain n’a jusqu’à présent disposé de ces outils que lorsqu’un heureux hasard lui en a donné l’occasion.
Pour la première fois dans notre histoire, nous commençons à percer les mystères des processus cérébraux qui constituent l’ensemble de nos expériences.
Bien sûr, notre compréhension globale de ces mécanismes n’en est encore qu’à ses premiers balbutiements.
Ce n’est pas une raison, cependant, pour ignorer ces informations neuves, privilégiées, et pour ne pas tenter de repousser les frontières de leur application.
C’est cela qui, peut-être, augmentera l’ampleur de cette révolution.
Parce que les sciences cognitives sont en train de modifier radicalement l’horizon de nos connaissances, de la manière même de voir le monde, il s’avère profitable de nous consacrer à mieux supporter leur développement.
Plus loin que le béhaviorisme
Chaque jour, pour agir, entrer en relation avec les personnes de notre entourage, nous devons comprendre les événements qui se déroulent et dont nous sommes les acteurs.
Sans cesse, souvent sans même nous en apercevoir, nous accordons une signification précise aux paroles des autres, aux objets et aux événements.
Si ces constatations ne sont pas nouvelles, un changement révolutionnaire s’est récemment opéré au sein des disciplines qui étudient les rapports entre l’être humain et ses comportements.
La situation a bien changé depuis que le courant béhavioriste avait, au début du XXe siècle, décrété impossible l’étude scientifique de ce qui se passait dans la « boîte noire » du cerveau humain, entre une stimulation et une réponse comportementale (voir la figure ci-dessous).
Depuis quelques décennies, des développements dans les méthodes, les théories et les moyens d’investigation ont permis d’établir une certitude aussi optimiste qu’ambitieuse: il est possible d’étudier et de comprendre la manière dont le cerveau utilise les informations qui le bombardent chaque jour.
Cette perspective, qui étudie le traitement de l’information par le cerveau, est précisément celle des sciences cognitives.
La boîte noire des béhavioristes
Malgré l’engouement toujours croissant qu’elles suscitent, ces disciplines demeurent encore souvent ignorées et mal comprises par la population.
On les confond même avec des courants qui ont marqué l’histoire des idées mais qui sont aujourd’hui dépassés.
Le problème consiste, en partie, en ce que les sciences cognitives, particulièrement les neurosciences, sont difficiles à aborder et ne s’attachent pas particulièrement à vulgariser leurs résultats.
Cet état tend heureusement à changer. Mais, plus précisément, qu’en est-il de cette perspective cognitive ?
La cognition humaine
Le système nerveux central de l’être humain gère la multitude d’informations qui foisonnent dans l’environnement.
Selon leur organisation, ces informations forment l’ensemble de nos connaissances.
De là découle d’ailleurs le terme « cognitif », c’est-à-dire ce qui est en rapport avec la connaissance.
Ce traitement des informations s’effectue dans toutes les dimensions de l’existence: les émotions, l’apprentissage, le raisonnement, le langage, la prise de décisions.
La perspective cognitive considère donc un peu le cerveau humain comme un ordinateur qui traite de différentes manières des informations pour obtenir des résultats variés, qui sont nos croyances et nos comportements, et tout ce qu’ils nous permettent d’accomplir.
Depuis les années cinquante, en parallèle à l’émergence des ordinateurs, l’explosion de l’intérêt pour ces nouvelles sciences confirme leur incroyable richesse d’explication dans des domaines aussi variés que la psychologie, la philosophie, la linguistique, l’anthropologie et, évidemment, l’informatique.
Le traitement de l’information selon la perspective cognitive
Comme l’illustre la figure précédente, tous nos comportements découlent de deux étapes: la perception d’informations dont l’environnement est la source, les stimuli, et leur traitement à travers les processus cognitifs.
Dans la seconde étape du traitement sont impliquées toutes les activités productrices de sens, tout ce que nous pouvons nommer et croyons comprendre, allant d’une équation mathématique jusqu’au soleil qui se lève sur l’horizon.
C’est grâce à ce traitement des informations que nous parlons, pensons, concevons l’ensemble des phénomènes de notre existence, depuis les profondeurs de nous-mêmes jusqu’aux théories les plus abstraites.
La cognition correspond donc à tous les moyens par lesquels nous accumulons, élaborons et utilisons des informations pour donner du sens aux expériences du monde.
Il ne fait aucun doute que cette révolution cognitive continuera de nous surprendre.
Dans les années qui viennent, la compréhension de la pensée humaine modifiera en profondeur les mœurs auxquelles nous sommes habituées.
Il ne reste qu’à nous sensibiliser, pour que ces changements ne poursuivent pas l’arbitraire du capitalisme, avec son insatiable quête de profit, mais suivent plutôt un chemin éthique qui permettra à l’humanité de grandir.
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